Membre de l’Eglise catholique : 8 juillet 1984 – 22 août 2016.
J’ai envoyé ma lettre d’apostasie il y a quelques jours. Il n’y a plus qu’à attendre la confirmation. En soi, c’est un geste facile. C’est léger. Naturel. Le résultat d’une décision prise depuis longtemps. Je ne ressens pas de soulagement pour autant. Les paroles des personnes qui n’ont pas eu une éducation religieuse me trottent dans la tête. Sur pourquoi il n’y a aucune raison d’attendre aussi longtemps. Sur pourquoi en tant que gouine tu pourrais montrer plus de solidarité et ne pas compter dans leurs registres une seconde de plus. Je hais l’Église pour des tas de raisons. Je ne les énoncerai pas.

Je peux expliquer pourquoi derrière l’acte politique et la nécessité personnelle, il y a aussi une histoire et une construction. Et elles sont douces. Et je ne les relègue pas à la poubelle en renonçant « officiellement » à la religion. Sans doute est-ce ce qui m’a pris des années… Faire une place pour cette histoire. Trouver un endroit pour la magie et l’émerveillement.
Des membres de ma famille m’ont dit que même si je n’étais pas croyante, au moins j’avais quelque chose d’elles et eux. Valeurs communes, éducation. Mais jamais ! Mais tellement pas !
J’ai les poches pleines de pierres. Je récoltais des cailloux pour aller ériger une chapelle dans le bois avec mon chien. Je voulais faire un autel à la Sainte-Vierge. Je parlais aux arbres et aux oiseaux. Je lisais et je dessinais blottie dans les racines des peupliers. Les poches pleines de cailloux, je voulais faire un édifice à ce qui m’entourait et à la chaleur que Marie mettait au fond de mon cœur.

Quand j’étais gamine, j’étais enchantée par la Sainte-Vierge. Je la trouvais lumineuse et rassurante. Généreuse et pieuse. J’aspirais à être comme elle. Avec 25 ans de recul, je trouve la trace de mes premiers émois sexuels dans cette ferveur. J’en rêvais. Je la portais partout avec moi. Vers 9-10 ans, je décidais de devenir nonne plus tard. Je voulais m’isoler du monde pour prier. Et aussi faire le bien, transformer un monde dont les injustices me révoltait. Puis surtout ne pas me marier à un garçon. Échapper à l’hétérosexualité obligatoire.
Prier me mettait dans des états de méditation profonde. Parfois proches de la transe. Les lumières dans les vitraux de l’église me fascinaient pendant les 45 minutes de messe tous les dimanches. Les lumières dansantes. J’écrivais des poèmes-prières sur la lutte contre les inégalités.
J’aimais les chants à la messe. J’aimais les silences dans les masses suintantes à Lourdes. J’allais aux veillées avec ma grand-mère. On disait des chapelets. J’avais 13 ans quand elle est morte. Peu après, j’ai commencé à être folle, durablement. Folle et lucide. Quand je voulais mourir dans les premières années de dépression, bien avant les psychoses, je pensais que je rejoindrais Mamy. Le paradis atténuerait la souffrance immense de vivre.
C’est sans regret que je fais mes adieux à la religion. Avec fierté. Peut-être quelque part une forme de joie. Mais ce qu’elle m’a appris de la magie, de l’émerveillement et de l’amplification de la douleur, je les retiens. Différentes.
Quelques jours après l’envoi de ma lettre d’apostasie, Anja de Pin Primrose m’a tiré les cartes. La Reine de Coupes revient encore, comme une invitation à me pencher sur la figure de Marie notamment. Ces jours-ci, je jette le bébé, l’eau du bain, mais je garde de l’eau dans ma coupe.
