Avec l’arrivée de l’automne, les déesses des mort-e-s ou des enfers se font particulièrement pressantes. Leur insistance représente un défi à la face de notre queertiude. Perséphone et Hel se montrent presque moqueuses: Alors comme ça, tu veux éviter le binarisme? Non, parce que nous, en fait, on fonctionne avec les dualités.
Ok. Comment se confronter à leurs dualités alors? Elles sont faites de cycles. Dans leurs excès et dans leurs pôles, elles prônent une intégration. Sauf que celle-ci ne sera pas forcément fluide. Elle passera pas l’exacerbation des contrastes. Elle exigera un dialogue avec la mort. Ne pas la toiser, ne pas la craindre, ne pas la provoquer, ne pas chercher à la contrôler, ne pas lui donner un pouvoir excessif. Non, juste discuter. Intégrer. Les feuilles mortes joncheront bientôt le sol. Elles pourriront. Elles le nourriront. Les insectes et les vers feront leur oeuvre. Et les champignons. Et…
Une partie de ce qui est enfoui rejaillira. Les graines plantées germeront.
Une partie de nous, individu-e-s et collectifs, peut aussi s’engager dans un voyage sans assurance de retour. Les cailloux laissés sur notre passage seront peut-être emportés par le courant. Mais au moins, on est plus légèr-e-s. Dans certaines cavités, on pourra déposer des secrets qu’on n’a plus envie de porter. Dans certains brasiers, dans le creux de nos chaudrons ou sur nos tas de compost, on pourra jeter des éléments qui ne doivent plus être recyclés mais plus radicalement transformés, par des processus qui ne dépendent pas de nous. Quels sont les schémas qui nous empêchent d’avancer?
Combien de temps va-t-on encore se les trimbaler? Quelles sont ces passions que l’ont s’est refusées? Cet appel du mysticisme qu’on a envoyé chier? Quelles sont les histoires qu’on souhaite amener dans notre quotidien et celles qu’on veut vivre à travers nos rêves, nos voyages astraux ou nos rituels? Est-ce que la puissance de ces récits symboliques et de ces connexions au-delà des dimensions peut nous transformer autant que ce qui se passe à la surface de nos émotions? Est-ce qu’on veut vraiment se balader sur les frontières et en tester timidement la porosité? Est-ce une métaphore pertinente à l’heure où les gouvernements dressent des murs ou laissent se noyer dans les océans?
Se promène-t-on sur le fil de nos envies mitigées sans se risquer à explorer? Ne devrait-on pas partir dans un voyage dans l’inconnu de l’autre monde (6 de couteaux), comme le fait Perséphone l’automne venu, tandis que, parallèlement, dans le confort de ce qu’on connaît bien (9 de pentacles), tangible, concret, on déploierait nos compétences pour agir pour la transformation sociale?
En invoquant les déesses des Enfers comme Perséphone ou Hel, ne nous invitons-nous pas avant tout à explorer les polarités de part et d’autre du fossé? Ici et ailleurs, présent-e-s pour les multiples visages de nos actions. En intégrant leurs messages, n’intégrons-nous pas des puissances plus divines et plus pratico-pratiques à la fois? Résolument terriennes, absolument mystiques et mythiques et forcément combatives, transformatrices, héroïques dans la capacité de questionner en profondeur, de bouleverser et de développer.
En ces temps où l’extrême-droite et les politiques de haine ravagent une bonne partie du monde et où le capitalisme vient à bout de la planète, des individu-e-s et de la magie, les déesses nous enjoignent à ne pas dormir sur nos deux oreilles. Elles refusent de voir du positif dans les politiques d’austérité ou dans le traitement violent des migrant-e-s. Sans concessions, elles nous appellent à explorer notre radicalité. Elles nous demandent de chercher très très profondément dans le sol, la puissance de la renaissance. Il faudrait sans doute que le capitalisme, la suprématie blanche et le patriarcat meurent pour que naissent une plus grande justice sociale, environnementale etc. Les déesses sombres nous invitent à explorer nos options, nos contestations, nos moyens d’actions et, surtout, le monde que nous voulons. Elles nous invitent à mettre en place nos initiatives dès à présent. Il n’y a pas un avant et un après. Il y a un travail constant avec des transmissions, des démolitions, des récupérations, des renaissances, des rejets. Et des esprits bien plus ouverts, bien plus gigantesques, bien moins figés dans des mondes hérités du colonialisme, du christianisme, etc. Et des corps qui sont simultanément dans plusieurs siècles, plusieurs espaces, plusieurs solidarités.
Les déesses. Les sorcières. Des figures? Des archétypes? Des mythes? Des réalités physiques? Qui sait? Des rebelles qui conjurent une justice sociale? Oh oui!
Hello
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