Les cloches retentissent au son de tant de vérités qu’on ne distingue plus qu’un brouhaha. Suffisamment aigu pour nous alarmer. Trop bruyant pour nous laisser réfléchir.
Décontenancé-e-s, on pense à nos idéaux. On pleure nos utopies scintillantes. On déplore la dilution de nos convictions. On cherche des liens. On se met en quête de soutiens. Mais il ne subsiste que le souvenirs des communautés qui nous rassemblaient. Nos mains enlacées. Nos coudes serrés. Nos soirées passées à rêver. Nos manifs à hurler. Nos discussions à bâtons rompus. Nos réactions rapides dans des situations qui exigeaient notre coopération. Les Amoureux-ses. Lae Rêveur-se de Bougies.
Et maintenant, ces conflits qui nous rongent. Conflits intérieurs. Conflits dans les communautés d’activistes et d’ami-e-s. Conflits dans les identités.
Comme des luttes à mort. Comme s’il ne s’agissait plus que de l’emporter.
Entrer en compétition les un-e-s contre les autres pour élever l’unique vérité. Attribuer une catégorie à quelqu’un-e et refuser de lae voir s’en extirper. Prendre la défense. Justifier. Mettre au ban. Exclure. Partir. Les entendre dire qu’on s’auto-exclut. Mais ne pas se retourner en s’éloignant. Ne plus demander des comptes. Ne plus chercher à faire vaciller la fabrique des vérités. Tourner le dos à ces hiérarchies. Ne plus savoir contre qui on se bat. Ne plus connaître de communauté.
Lae mystique de cloches susurre de très très loin des chants révolutionnaires. C’est juste assez pour savoir qu’on peut y croire encore. C’est pas suffisant pour nous retenir. Pas suffisant pour apaiser notre amertume.
On en a plein le dos. ça fait mal. On ne veut pas parler de burn-out. Le burn-out, c’est le fruit du capitalisme. Mais que fait-on si on n’a pas de mots pour exprimer ces corps qui nous lâchent, ces crises d’angoisses qui nous tétanisent, ce défaitisme qui prend le dessus, ces traînées de cire qui marquent nos muscles? Et que fait-on quand on s’effondre? Que fait-on?
C’est le chant de l’Etoile qui parvient jusqu’à nos oreilles. Porteuse d’espoir, elle nous connecte. Elle nous relie à nous-mêmes et à tout le reste. Elle englobe nos désaccords et nous aide à nous retrouver. Elle ne résout pas hâtivement les conflits, pas plus qu’elle ne les balaie. Elle les laisse prendre place. Pas pour nous déchirer, mais pour nous grandir. Elle laisse couler les déceptions. Elle applique ses baumes sur nos brûlures. Elle nous connecte à nos ancêtres, au sens large. Elle nous rappelle celles qui ont écrit que la sororité n’avait été qu’un miroir aux alouettes pendant la deuxième vague du féminisme, un leurre pour masquer les différences et les rapports de pouvoir entre les femmes et puis aussi qu’elle avait enfermé les liens des activistes dans un cadre « familial ». Des familles, rien ne sort. La loyauté étouffe. La fusion et l’honneur requièrent le silence. Les rapports de force sont exacerbés. Les hiérarchies s’installent. L’Etoile nous rappelle que nous ne sommes pas sans histoire. Nous ne sommes pas sans résilience, même si c’est un autre mot que le néolibéralisme a malmené.
L’Etoile prend acte des querelles. Elle prend acte de nos larmes. Nos sanglots. Nos terreurs nocturnes. Elle inscrit les trahisons sur la carte. Elle nomme les compétitions qui nous ont dévasté-e-s. Elle dessine le contours des processus de silenciation. Elle nous appelle à faire une place pour la douleur et le traumatisme. Elle nous enjoint à ne pas cultiver la rancœur. Elle croit en nous. Elle veut que nous le sachions. Au centre de nos communautés comme dans la carte des Amoureux-ses, elle permet de s’extirper de l’entremêlement des égos et des sensibilités, sans déni, avec une reconnaissance, afin de porter le regard vers ce que nous pouvons accomplir. Il y a de l’amour dans l’Etoile. Et merde quoi, c’est pas forcément un mot qui doit nous mettre mal à l’aise.