Je suis déterminée. Je note deux hashtags: #persévérance et #obstination. Je vais retrousser mes manches. Je vais prendre la licorne piñata par la corne. Je me veux jusqu’au-boutiste. Je (me) prouverai que je peux y arriver.
Ça grouille d’idées dans ma tête. Ça s’active plus vite qu’un article qui fait le buzz. Ça s’agite… ça tempête dans mon cerveau. J’ai des flashs de génie. Je vais alimenter un moodboard inspiré! Cette profusion me file le tournis.
Pause. Je me pose. Des routes. J’ai envie de routes. De part et d’autres du chemin, ça s’entasse: des contre-indications, des amoncellements de plans conçus par d’autres, du sur-mesure qui ne va à personne, des monticules de batteries usées et jetées sans considération, des néons clignotant avec aplomb, des caméras de surveillance guettant mes faux pas, à l’affût de mes hésitations. C’est sans compter les obstacles invisibles par dessus. On m’attend au tournant. Je ne sais pas qui, je ne sais pas quoi. Je sais que j’ai plus envie d’avoir peur. Me faire des films d’échappatoires tous plus glorieux les uns que les autres, j’ai passé ce stade. J’en ai assez d’être une douce rêveuse. Je ne renie pas l’idéaliste, mais je serai avant tout pragmatique. Obstinée oui, parce que je m’en donnerai les moyens.
Par là-bas, les pistes cyclables sont condamnées. Par ici, les poids lourds déboulent à toute vitesse. La forêt au loin est bousillée par les bactéries nées dans les eaux stagnantes polluées. Je resserre mon masque anti-particules. Prendre le temps de respirer, même imparfaitement.
C’est dur d’entretenir de la détermination. J’en connais, des gens déterminés qui ont été pressés. Tordu.e.s jusqu’au bout de leur persévérance, yels ont été utilisé.e.s pour l’entreprise ou bien la cause ou bien la famille. C’est dur de me figurer une forme de détermination qui ne me rongerait pas, pas plus qu’elle n’exploiterait d’autres. C’est dur de porter de la créativité assurée. J’ai des bleus d’avoir dégringolé, encore et encore et encore.
Sur mon app de bullet journal, j’énumère à nouveau mes missions. Ça vibre quand je valide. Bzzz bzzz. Je coche. Je décoche. Je change de code couleur. Je dégaine un gif qui me fera rire quand j’aurai envie de baisser les bras. J’enchaîne sur une citation d’inspiration aussi bateau que motivante. J’en fais un widget pour mon écran d’accueil même si je ne crois pas trop à l’autopersuasion.
Bzzz. Mon agenda m’envoie plusieurs notifications de planning. Je les désactive. Je maintiens. Pause sur la ligne de départ. Mon agenda sera rythmé par les rencontres. J’écoute mon corps. Je sens le tempo.
Dans ma course contre rien du tout, j’entraîne qui le voudra. Je dissémine. A mes pieds, dans des pots de plantes aromatiques, des abeilles butinent. Je veux m’impliquer sans défaitisme, comme si rien n’était jamais perdu. Je n’écoute que mes tripes. Ça ne m’empêche pas d’être responsable. Idéaliste, déterminée, créative. Des itinéraires se dessinent quand le buzz se tait.