TW. (je ne sais pas vraiment quoi)
Le Précipice. Encore une fois, déconnecter Facebook et ses triggers. M’éloigner des loyautés. Prendre des distances avec ce qui me ramène à ce que je voudrais ne pas ruminer. Ramasser les résidus de violence que les signaux activent. Les mettre de côté pour les empêcher d’enfler. Fuir les processus que je connais trop bien. Depuis trop longtemps. Baisser la tête pour éviter les volées de pierres tout en m’esquivant. Couvrir les stigmates. Courber le dos qui s’embrase.
J’ai toujours voulu dire qu’il ne fallait pas compter sur moi pour sauver les apparences. Mais j’ai toujours dû adopter la stratégie du silence. Me tuer plutôt que dénoncer.
Dans un monde théorique, il y a des systèmes. Dans la réalité, il y a des individus, leur prestige, leurs miches, leur bigotisme, leurs faux-semblants. Je ne suis pas née de la dernière pluie. J’ai grandi chez les catholiques. Je connais les cultes. Je sais reconnaître les gourous.
Je sais comment on décrédibilise la colère. Je sais comment on suicide les victimes. Comment on les cantonne à un rôle de victime. Comment on leur explique qu’elle le joue mal.
La dynamique des triggers fait qu’il n’y a plus d’espaces-temps entre les événements et les lieux. Entre les flashs mystiques, les livres, les souvenirs, les hallucinations. Tout est là. Sous nos yeux. Dans nos oreilles. Dans nos réflexes. Dans nos paniques. Dans nos cauchemars.
Dans mes rêves, je n’exige qu’une chose. Des réparations. Dans la vie quotidienne, je courbe l’échine. Je relève ma capuche. Je foudroie du regard. Peut-être c’était aujourd’hui. Peut-être c’est dans les couloirs du collège. Peut-être que c’est un mirage. Peut-être c’est dans cette salle de bain qui étouffe mes cris. Peut-être…
T’en sais rien. Moi non plus. Mais je sais qu’à moins de supprimer l’ensemble de mes contacts Facebook, je vais continuer à me heurter à des contenus déclencheurs.
Au travers des demi-mots, on devine ce que je ne dis pas vraiment frontalement. Dans des poèmes, on sent la trame. Lors des crises de rage que provoquent certaines injustices, surtout les silences face à elle, se dessinent les blessures. La précision, concise mais évocatrice, seules trois personnes doivent la connaître, dont un psy.
C’est dur de ne pas se sentir dans l’imposture quand les déclencheurs suscitent plus de réactions que les souvenirs eux-mêmes. Alors je tais. Je me tais aussi parce qu’il y a toujours pire. Je reste silencieuse parce que les flashbacks ne vaudront jamais des preuves concrètes. Je privilégie le mutisme parce que la dépression, l’automutilation, les hallucinations sont récusables. Elles font pâle figure devant la crédibilité des bourreaux.
Je ne peux pas parler parce que j’ai encore des excuses pour les coupables. Je ne peux pas parler parce que ça fait des siècles qu’elles doivent se taire.
Depuis quelques jours, les violences refont surface. Les flashs sont crus. Je culpabilise. Des éléments remontent. J’apprends que le harcèlement a repris. Je découvre combien de personnes sont sous emprise. Je n’arrive plus à trouver des circonstances atténuantes. La pure volonté de nuire saute aux yeux. Le besoin de détruire. Les menaces, la manipulation, les mensonges. J’ignore comment on arrête ces gens-là. J’ai appris à fuir. J’ai vécu dans la certitude que je finirai par trébucher, que mes réflexes et ma coordination me joueraient des tours. Je tombe. Je m’étale. La culpabilité dégouline. J’ai peur. J’ai si peur. Pas pour moi.
Si le silence tue, à qui revient-il de le briser ? Comment parle-t-on quand on est déjà morte ?