Je souhaite que jamais tu ne sois acculé.e au point d’estimer que ton ultime recours est de harceler pour survivre. Je souhaite que jamais tu ne sois exténué.e au point de ne plus être capable d’arrêter l’engrenage, au point de devenir l’engrenage qui emporte tout dans son mouvement implacable. Jamais. Je souhaite que la compétition qui te détruit ne devienne jamais le seul outil dont tu envisages de te saisir. Je souhaite que, surmené.e et maltraité.e, tu conçoives encore d’autres options. Je souhaite que ton capital -social, culturel et financier- ne repose pas sur l’exploitation.
Je ne te souhaite pas de finir par t’effondrer quand même. Mais je sais qu’à ce moment tu récolteras encore les lauriers comme ceulle qui a tout donné jusqu’au burn-out. D’autres (ceulles que tu auras poussé à bout) ne dorment plus, d’autres sont physiquement et/ou mentalement brisés, d’autres ont une réserve de pilules car yels n’envisagent plus que la mort.
Ceulles-là, leur misère ne sera jamais reconnue. Elle les consume à petit feu. Le feu de la résilience assénée par les coachs, les médecins-conseils et contrôle et les ingénu.e.s du bien-être. Le feu que le système brandit et que tu auras brandi aussi. Le feu de l’individualisme neolibéral qui fait de nous toustes des bourreaux, y compris nos propres bourreaux, à court de survie. Ce feu nous consume.Le changement ne sera pas individuel. La responsabilité n’est pas individuelle. Je te souhaite de tout cœur de ne jamais être ce rouage. Mais qui ne l’est pas ? Qu’est-ce que nous garde à l’écart de l’arbitraire ? Qu’est-ce qui nous empêche de refuser l’application d’une mesure discriminatoire ? Que devient-on si on refuse d’exécuter les ordres ? Qui paiera les courses ? Qui paiera le procès ? Qui a encore l’espoir de gagner ? Qu’est-ce qui te retient de signer un bout de papier ? Qui a le luxe de l’intégrité?
L’engrenage