J’ai survécu grâce au mode pilote automatique pendant des années. Jusqu’à ce que la machine se plante. Je ne me souviens plus comment on survit. On ne m’a jamais appris. J’ai enchaîné des plans pour donner le change. J’ai sorti toutes mes astuces.
Elles sont venues se planter dans mon dos. Dans ma fuite, j’ai reçu des coups et des coups et des coups. Je ne sais plus si c’était les miens ou les leurs. Je saigne.
Je crois que je saigne, mais, en réalité, je suis devenue une cyborg. Le sang ne s’écoule plus de mes blessures. C’est tout mon corps qui s’est déglingué. A trop donné le change, on oublie qui on est, comment avancer, comment faire face, comment entretenir.
On a beau savoir que certaines choses doivent disparaître de leur belle mort pour faire place au renouveau. On a beau savoir qu’il faut pouvoir aller mal afin de se relever de plus belle, plus informée. On a beau savoir… Ces épées qui s’abattent sur mes stratégies de survie me paralysent. J’ai envie de hurler. Envie de pleurer tous les deuils que je me suis refusée. Envie d’être mal en fracas, comme avant. Envie de défoncer la face de ceulles qui ont fait la sourde oreille. Envie de défoncer ma grande gueule qui n’arrive jamais s’ouvrir au moment des abus.
Peut-être que je vais juste restée étendue ici, sur le sol froid, fantasmant mon sang qui ne coule pas, le temps de couver ma nouvelle vie.