Dans ma vidéo #LeTarotàMaSauce, j’ai tiré sur une ficelle pour répondre à la périlleuse question: comment est-ce que je pratique le tarot à des fins non-prédictives?
Je développe ici mon approche du tarot, une approche de sorcière. Je remercie Valiel du blog Sur le Seuil pour nos échanges. Et Hékate, Celle qui parcourt les mondes, la gardienne et la guide, la reine des sorcières, la lumineuse et l’infernale, la déesse des croisements, car elle m’aide à jeter des ponts au lieu de dresser des murs.
Est-ce que vraiment je ne lis pas l’avenir? Où est-ce plus simplement que le tarot est un outil qui n’est pas restrictif?
Tout d’abord, cette question serait anecdotique si on ne percevait pas généralement la cartomancie d’une manière réduite et limitante. Tout serait différent si on pouvait utiliser des mots comme « voyante » pour les personnes qui voient l’invisible, sentent le subtil, entendent des fréquences, touchent des réalités complexes, s’infiltrent dans les failles. Franchir les frontières sensorielles qu’on nous inculque largement, voilà le travail de lae voyant-e. Ce n’est pas vraiment élitiste.
Partant de ce point de vue, utiliser ce mot pour « voir l’avenir » amène à ne pas franchir les limites, comme celle d’une vision linéaire du temps. Quand je tire les cartes, je ne peux plus dissocier passé/présent/futur comme je le ferais en restant parfaitement rationnelle. Le tarot floute les lignes plus largement encore. Il assemble les dimensions. Il met en contact. Parfois, il abolit même les lignes de fracture auxquelles on s’accroche. En alternative à la linéarité, il propose la liminalité. C’est le seuil sur le bord duquel on se tient pour visiter l’invisible, l’inconnu, l’incertitude. C’est le portail qui ouvre vers plein de dimensions, peut-être un peu futuriste. Ce sont les dimensions en collision et les étincelles qui en surgissent. C’est la bordure sur laquelle se tiennent les sorcières funambules. Les haies et les fossés. La surface de l’eau. L’envol des oiseaux. Le code.
Dans les explorations liminales, nul besoin de prédire le futur. On se détache des certitudes figées. On étend. Les frontières bougent. Le tarot comme outil exploratoire brise les frontières de notre esprit. Il fait voler en éclat les structures de notre logique. Les ponts qu’il établit entre des mondes déconnectés apparaissent bien plus sensés que les formes rigides auxquelles nous sommes habitué-e-s. Il est création et transformation. Il est écoute.
Avec le tarot, je verse dans mon chaudron une coupe de passé, quelques poignées de présent et des gouttes d’avenir avant de touiller, touiller, touiller. La magie opère. Des mots émanent pour des couleurs, des volutes de fumée, des goûts, des textures. La magie opère et on peut se brancher à notre connaissance intérieure ET cosmique.
C’est grâce à ces clés que le tarot peut déployer un potentiel de sagesse transformatrice. Il peut (et selon moi, il devrait) être un allié pour la justice sociale, lui qui indique « des ponts, et non des murs », « des passages et des mains tendues, et non des frontières ».