Tu es derrière moi. You have my back. Si tu n’étais pas derrière moi pour m’aider à accomplir l’ordre des choses, le rythme des saisons, je prendrais mes jambes à mon cou. Je compte sur toi tout comme j’ai besoin que tu m’extirpes à cette terre que je chéris le printemps venu pour me ramener à ma mère, à tout ce qui bourgeonne en surface.
Hekate, toi qui es derrière moi, tu m’entends clairement. Tu entends tout, du faible frémissement des premières feuilles qui tombent sur le sol au craquement du crocus qui brise son bulbe. Tu as distinctement entendu mon orgasme quand j’ai jeté mon dévolu sur le ténébreux Hades.
Hekate, je déteste quitter Déméter. Ses hurlements hantent notre trajet. Mon déchirement moins dramatiquement extériorisé n’est pas moins grand. Je crains de ne pas la retrouver. Sans toi, j’ignore tout de la route. Sans toi, je ne peux pas revenir. Je rêve souvent que je me perds dans les méandres de l’Enfer, incapable de remonter, errant dans les souterrains, comme l’a fait ma mère là-haut quand j’ai disparu. Nous sommes au croisement du jour et de la nuit. Ma respiration siffle.
Quand j’aurai retrouvé mon trône, la charge de mon rôle dépassera tout ça. Il en est ainsi chaque année. Quand j’aurai mon amant contre ma chair, l’intensité de mon amour me rendra mes certitudes. Ce schéma est prévisible.
Mais en attendant, Hekate, je suis morte de frousse. La séparation me ronge. Elle me dévore les chairs. Elle s’empare de mes entrailles, comme autant de vers. Les asticots se régalent de mes yeux. Tu es ma guide, Porte-torche, ma sauveuse. Je rejoins les mystères de la mort. Je reviendrai à la surface. Je reviens toujours. Mais, en attendant, Hekate, je suis morte de trouille et la douleur de la séparation me transperce. Quand tu rejoindras l’étendue glacée et les arbres dénudés, dis-lui que je l’aime. Dis-lui que nous sommes par-delà les frontières. Même si l’ordre des choses scelle notre relation, nous sommes unies, par-delà ce qui est tangible.