Tes besoins ne sont pas rencontrés. Pas remplis. Même pas vus. Ou bien on feint de ne pas les voir. Le résultat est le même. Avec un sol aussi boueux, chaque pas, chaque tentative devient plus glissante. Les pentes deviennent plus ardues. Les pavés sont infranchissables. Tu ne peux même pas les arracher au ciment pour les envoyer là où ils mériteraient d’atterrir.
Tu rencontres des fausses promesses. Des sourires lisses pas assez remplis pour atteindre les yeux. De l’hypocrisie qui ne paiera pas le loyer. Des feintes dont tu ne peux te dépêtrer dans l’enfer administratif. Des agent.e.s du système qui en déplore l’arbitraire et l’injustice comme une excuse de façade tout en exécutant le clic qui envoie ton dossier dans leurs archives, des gens qui sont le système.
Remarques méprisantes.
Te balancer la porte à la gueule.
Contrôler ton sac, appeler la sécurité. Sans raison. Les exécutant.e.s peuvent s’en passer.
Croche-pieds discriminants et structures excluantes.
Décréter que tu n’as pas démontrer les aptitudes. T’as pas justifié ta hargne d’intégration. T’as pas baissé les yeux devant l’autorité. T’as pas la tête de quelqu’un.e qui va se faire une place sagement. T’as pas démontré tes capacités de résilience.
Toutes les secondes. Des murs. Des impasses. Des pièges. Des bugs. Des erreurs. Enfin, c’est ce qu’on te dit. En réalité, c’est le fonctionnement même du système. Des sourires condescendants qui restent figés aux dents blanchies: quand on veut on peut.
Tu répliques. Tu te bats. Tu baisses pas les bras. Tu y laisses tes ressources indispensables. Mais rien ne change. Les sourires se décrispent quand on remarque que tu t’affaiblis.
Chaque mois devient plus difficile. Aucun ne se boucle. Sous les pavés, tes dettes, ornières qui guettent et provoquent ta chute.
Tes besoins sont évacués. Tes besoins sont négligeables. Tes besoins font de toi une tare. L’écran affiche que c’est de ta faute. Quand on veut on peut. Quand on se prive on y arrive. Quand on se plie on s’intègre. L’écran clignote. C’est pas un bug. La méritocratie efface les différences qu’elle fabrique. Quand on veut on peut. C’est de ta faute.
Tu continues. Faut bien. Il pleut, faut bien trouver un abri, au moins pour ceulles qui ont besoin de toi. En vrai, t’as plus la moindre idée de ce qu’est un chez-soi. En vrai, t’en sais rien toi pourquoi tu continues. En vrai, si tu te gamelles, c’est pas gagné que tu te relèveras pour essayer encore.