Je me glisse dans la fente entre les âges, terreuse et cuivrée. Je traîne mes doigts le long de ses parois lubrifiées comme des lèvres humides. Elle me laisse me faufiler.
Tout frissonne de désir
d’anticipation
de craintes.
L’air devient tranchant, la respiration difficile. Retenir mon souffle. Freiner l’avancée.
Sur le seuil, il faut s’exécuter. Des offrandes font office de sacrifice. Ici, donner ce qui m’était cher. Sur le seuil, je dois abandonner ce qui entraverait mon voyage.
L’offrir au passage.
Je suspends les médailles dont je pourrais m’enorgueillir. Je contemple ces victoires dont je me détache. Leurs reflets éclairent mon regard.
Miroirs des possibilités.
Je conserve la fierté, non l’orgueil.
La force des étapes, le refus des destinations.
Je m’accroupis pour creuser le sol. L’humus sert d’écrin pour mes brouillons. Je me recueille auprès de ce cercueil. Ci-gisent les pages des projets inachevés, toutes les idées qui ont eu le mérite de l’inspiration sans les serments de longévité.
Rien ne se perd. Le tintinnabulement des mobiles fraîchement accrochés réveille déjà d’autres envies créatives, d’autres pistes, d’autres chapitres.
Je manipule la matière. Je malaxe mes regrets. Je recouvre les déceptions.
Il y en aura d’autres.
Il faut que je me déleste.
Sereine survivante, je poursuis la traversée.
L’interstice entre les années, le temple de la non-linéarité, se pare de scintillements. Le bruit des vagues me régale.
Il me reste à passer le feu purificateur.
Il me reste à conter mes vœux aux flots prometteurs.
J’emplis mes poumons d’air frais.
Mes pieds peuvent se reposer sur le sol ferme.
Un instant.
Suivre les feux d’artifice.
Me laisser guider par les clapotis
L’initiation liminale continue.
