Visualiser La Tempérance

Au bord des fossés où s’écoulent mes vies passées, des iris annonciateurs de répit fleurissent. Sur le sol où j’ai sacrifié les lambeaux de ceulles que je ne suis plus, des cristaux de roche brillent dans la lumière du point du jour.
Je suis revenue transparente.
Limpide, tout comme la rosée perlant sur ma chrysalide.
Ardente, de cette ardeur tranquille signifiant que je ne suis plus en combustion.
Fervente, de cette foi paisible suivant le sommeil retrouvé.
Mes muscles sont engourdis. Mes gestes sont lents, en conscience. Mes ailes se déroulent doucement, encore froissées par le cocon. Il faut que je patiente. Il faut que je récupère. Il faut que je profite.
Sérénité de ne plus être tiraillée.

Maintenir l’espace pour la complexité, la mienne et celle du monde. Percevoir le monde avec plus de nuances qu’auparavant.
Mes sens captent des gammes jusque-là imperceptibles. Les subtilités sont infinies.
Je les mélange. Je les laisse opérer. Je les guide.
Je ne suis plus une caricature de moi-même. Je n’ai plus rien à prouver. Je suis sur le point de m’envoler.
C’est l’aube ! Enfin, je vois venir demain.
Je ne suis plus enfermée dans un corset, dans un carcan, dans les normes, dans les dualités, dans des injonctions, dans mes limitations.
Je ne peux plus penser de façon binaire. Le monde entier s’irise. Tel est le charme de la carte aux iris.
Au point du jour, je suis
Je suis un spectre sans fin
Un arc-en-ciel contenant mille couleurs
Je suis.

Comprendre la Tempérance
La Tempérance est un état de grâce.
Le funambulisme au-dessus de l’océan accessible à toustes.
C’est la suave impression de pouvoir être soi sans être écartelé.e entre
Des rôles, des pôles, des états (d’âme) contradictoires.
C’est flotter par-dessus les contradictions.
En prendre acte, mais ne pas les laisser prendre le dessus.
On manipule les facettes. On les mélange. On est composé.e de tous ces fragments. On est une mosaïque, entière dans sa complexité.
On n’est plus prisonnier.e. On ne doit plus (se) présenter une cohérence de façade par-dessus nos multiples visages.
Les excès ne nous font plus monter monter monter pour mieux retomber, pour mieux se fracasser. Ils font partie d’un tout, comme les pièces d’un mobile, chacune essentielle pour que l’œuvre danse subtilement. Les excès ne sont plus au bout de l’élastique sur le point de rompre. Ils sont articulés autour de ce qui les retient, de ce qui leur permet de danser sans s’effondrer.
La pointe des pieds. La ligne dans le sable où s’arrête la marée haute avant de repartir pour mieux revenir. Inévitablement.
Ça ne va pas durer et c’est même pas triste. On pourra toujours revenir à cet apaisement. On pourra revenir à la clairière qui a succédé au champ de bataille, aux fleurs qui ont poussé sur le compost des parties de nous qu’on a enterrées.
Le jour se lève. On ne peut pas retenir l’aube. On sait que sa liminalité reviendra. Inévitablement.




