Les féministes minces et la grossophobie


Les termes qui se terminent en -phobie sont utiles pour pointer les imaginaires de peur, mais ils passent parfois à côté de l’oppression. Étymologiquement, la grossophobie concerne tout le monde ou presque. Depuis les années 90, la panique (morale) autour de l’épidémie globale d' »obésité » nourrit cette peur à travers le monde. La grossophobie est généralisée. Bon nombre d’entre nous craignent dès leur plus jeune âge d’être gros.ses. On redoute notre gras. On s’en prend aux gros.ses autour du nous.

Pour autant, la grossophobie, en tant que reflet de l’oppression de la grosseur et de la haine systémique des gros.ses, va bien au-delà de la peur de la grosseur et de l’intégration de normes de beauté, de santé supposée, de bien-être.

La grossophobie tue

Parce qu’elle tue les personnes grosses. Les violences médicales tuent. Les opérations bâclées ou ratées tuent. Les diagnostics refusés à cause de notre poids tuent. L’absence de matériel médical adapté à notre corpulence tue.

Parce qu’elle nous exclue. L’inaccessibilité des transports publics et des espaces publics nous exclue.

Parce qu’elle nous détruit. L’obsession pour notre poids et pour les régimes attaque notre santé mentale, notre corps. Bein oui, alors que seulement 5% des pertes de poids se maintiennent sur le long-terme, les conséquences du yo-yo sont inévitables pour 95% des humain.e.s. Si on développe des troubles alimentaires, il y a de fortes chances qu’ils ne soient pas identifiés voire qu’ils soient encouragés. La liste est longue.

Parler de grossophobie sans les grosses

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L’animisme: réenchanter le rapport au monde

Manifeste pour un animisme féministe

Nos sens savent. Nos sens comprennent. Nos communautés (se) soutiennent. Autour de nous, les vies fourmillent sous diverses formes. Plus encore : les plantes, les pierres, les ancêtres, les déités, tout cela s’exprime, accueille, rage, attire, rejette. On va à la rencontre de ce fourmillement. De la beauté comme de la monstruosité. On suit nos sens, en ce compris ceux qu’on n’a pas appris à utiliser. On croit nos frissonnements.

L’Invisible a été mis au ban de nos sociétés rationnalisées, capitalistes, vidées. On renoue. On le valorise. On (re)trace des cosmologies dont l’humain-e n’est pas au centre. On observe les schémas et on les respecte. Tout comme là-haut, aussi ici-bas. Tout comme en nous, aussi au dehors. Nos pratiques oraculaires consistent à mettre en lien. Les résonnances emplissent notre vision du monde.

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Sorcières et féministes: irréconciliables?!?

Préambule

Quand j’ai commencé cet article il y a quelques mois, j’avais envie d’un texte trop parfaitement bien étayé : des tonnes de sources, des vérifications approfondies, etc. Comme toujours, les aléas de ma santé en décident autrement. L’article ci-dessous se révèle plus brut. Il est beaucoup plus court. Comme un chantier sur lequel je reviendrai, plutôt qu’un long essai super élaboré. Le temps de la réflexion permettant à l’agacement de décanter, le projet s’est redessiné. J’ai peu retravaillé mon argumentaire. Il est plus « rond » que l’idée que j’en avais à la base.

Le Daughters of the Moon Tarot, un tarot féministe rond pionnier publié en 1984, m’a inspirée des réflexions plus libres. Après avoir créé une vidéo de présentation dans laquelle j’articule certains arguments de ce texte, j’y suis revenue, j’en ai arrondi les angles, j’ai accepté qu’il ne serait pas ce que j’avais l’ambition de partager initialement. Il est cependant un complément à la vidéo.

Sorcières et féministes, le grand écart ?

J’ai constaté un usage généralement péjoratif de « la sorcière féministe ». On la considère comme un épouvantail. Dénigrée, elle ne serait

  • ni un-e sorcière aux yeux des un-e-s. En effet, sa posture serait exclusivement théorique/politique tandis que seules les pratiques feraient la sorcière.
  • ni un-e féministe aux yeux des autres. Soit parce qu’yel aurait succombé à un phénomène de mode soit parce que le féminisme se voudrait rationaliste, anti-religions, etc.

Cette incompréhension dérive des multiples significations tant de « sorcière » que de « féministe ». Des féministes ont beau clamer depuis des décennies qu’il n’y a pas un mais des féminismes, l’anti-féminisme est tel que des collisions cognitives semblent vouées à se produire dès que quelqu’un-e s’en réclame. L’histoire de chacun de ces termes est bien plus complexe que les émois qu’ils provoquent.

Comment en vient-on à prétendre que les féministes auraient volé ou souillé une sorcellerie prétendument intemporelle alors même qu’elles ont cherché à l’historiciser (d’un point de vue purement académique ou d’un point de vue pratique) ? Comment utilise-t-n des arguments anti-capitalistes pour nier toutes les pratiques de sorcellerie qui ont existé et qui existent encore ? Pourquoi certaines féministes sont-elles aussi réticentes à intégrer les liens, qu’elles ont passé des décennies à déconstruire, entre femmes et nature ? Une fois pelées les couches de construction sociale autour des « sorcières », des « femmes, du « genre », de la « féminité », faut-il tout jeter au compost ou peut-on goûter le zeste et reconstruire ou se réapproprier (reclaim) des éléments ?

Féminismes des années 70

Pour mieux comprendre pourquoi on agite à tort le spectre de « la sorcière féministe », il faut remonter aux années 60 et 70. Se déroulent alors parallèlement deux mouvements (dont je me garderai bien d’affirmer qu’ils n’étaient pas joints par de nombreux ponts).

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C’est quoi être une sorcière?

Ma réponse à « C’est quoi pour vous être sorcière ? », une des questions posées le 16 novembre lors de la rencontre « sorcières et militance » organisée par charliequeen.org à Le Vecteur.

Sorcière, c’est un mot puissant (au moins autant qu’il est frustrant et fuyant) parce qu’il est polysémique. En raison de ses multiples sens, qui se confirment aussi historiquement, il est impossible de donner une définition définitive et générale de la sorcière. Cette fluidité qui fait que le mot nous échappe parfois est aussi ce qui en fait l’intérêt.

Pour élaborer une définition toute personnelle, informée autant par ma spiritualité que par mon parcours féministe…

Si je dois choisir des termes précis pour définir mes convictions et ma pratique, je dirais que je suis païenne, sensible aux mondes invisibles, intéressée par les pratiques liminales, avec un penchant pour le polythéisme. Si je réalise des charmes et des rituels, ce n’est régulièrement.
Je tire les cartes d’une façon intuitive et divinatoire. Je ne lis pas particulièrement l’avenir, mais j’utilise ce support pour accéder, avec le consentement de quelqu’un, à des informations auxquelles je n’accéderais pas dans mon état « normal ». Pour ça, j’active « les clairs » et je travaille avec ce que j’appelle « les guides ». Je me suis formée et j’ai beaucoup pratiqué pour ça. Mais je n’ai pas été initiée à la sorcellerie ou à la cartomancie au sens traditionnel du terme qui semble encore à ce jour impératif pour certain-e-s. Je n’ai pas la discipline de certaines sorcières. Je fais mon petit bonhomme de chemin assez éclectique dans tout ça.
Je dois dire que le terme sorcière, d’un point de vue spirituel, ne m’est pas utile en soi par rapport à d’autres comme païenne.

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En fait, à la réflexion, sorcière, pour moi, c’est ce qui fait le lien entre tous ces éléments d’une part et de l’autre le féminisme ou la militance plus largement. Comme un chaînon manquant.

Tout d’abord, ça crée un lien entre ma pratique et d’autres pratiques:

– je travaille avec Hécate, la reine des sorcières, parmi ses nombreux titres.

– Je m’intéresse à l’héritage de la chasse aux sorcières, même si ce féminicide visait avant tout des femmes et des personnes au genre déviant de la norme, et pas des sorcières.

-Sorcière historique parce qu’en travaillant avec l’invisible, j’accède à des contenus, des informations qui me viennent de l’époque. Et sans doute parce que je suis historienne de formation et j’aime fouiller les histoires.

– Sorcière historique parce que les luttes féministes se sont emparées de « la sorcière » comme une figure de proue depuis les années 60. Le terme sorcière, c’est un héritage féministe vaste. C’est une volonté de continuité critique. C’est de la réflexivité dans les luttes. C’est comprendre d’où on vient. C’est partager des savoirs et des soins en résistance à l’hétérocispatriarcat, au capitalisme, au racisme et au colonialisme, etc.

– Finalement  je me retrouve avec un héritage un peu éparpillé, pas forcément cohérent et parfois épuisant. Il y a des liens, certes, mais ils sont un peu discontinus. Il y a du queer, des pointillés. Lire la suite « C’est quoi être une sorcière? »

5, 7 et 3 de bâtons. Au-delà des logiques de compétition

wp-15811621148753547801331269538347.jpgOn nous dresse les un.e.s contre les autres
Mais, nous, on voit déjà tellement plus loin
On ne cède plus
Les pièges sont trop grossiers
Devenus familiers
Nous,
Rodé.e.s pour l’évitement
🌟
wp-15811621146631456617018753925937.jpgOn nous donne l’impression que
On ne peut survivre
Qu’en s’entre-tuant
Mais, nous, on se redresse,
ou on se traîne,
ou on se porte,
en fonction de ce que nos corps font.
🌟
wp-15811621147385860421577221654272.jpgOn regarde les étoiles
On planifie la rébellion
On nous dresse les un.e.s contre les autres
On se retourne contre
Cette machination du pouvoir pour nous diminuer
On utilise ce prétexte pour le mettre en pièce

5 de vase + Visionnaire de couteaux. La pression sur les réseaux sociaux

Si t’as l’impression de n’être jamais assez sur les réseaux sociaux, surtout sur instagram…
C’est parce que cette plate-forme rend tes insécurités rentables. Elle gagne des thunes quand elle te fait intérioriser que tu dois être réparé.e, amélioré.e et plus toujours plus encore plus.
Évidemment qu’elle alimente tes insécurités puisque ça l’alimente en retour: plus de posts en quête de visibilité, plus d’achats pour combler ce qui te manque, plus de temps à scroller tristement, hagard.e. Lire la suite « 5 de vase + Visionnaire de couteaux. La pression sur les réseaux sociaux »

Étalements de tarot engagés

tarotcharleroiPour le festival Sorcières et militance organisé à Charleroi par Charlie Queen, j’ai conçu et testé des tirages de tarot. Avec cet article, j’en livre des versions améliorées. L’idée, c’est que tu t’appropries et que tu adaptes ces étalements en fonction de ta situation. Je souhaite aussi qu’ils soient utiles et qu’ils véhiculent de l’entraide. Par conséquent, c’est génial si ça te dit de lire les cartes à des personnes qui en auraient besoin en suivant ces modèles.

Cet article est disponible en livret adapté pour l’impression (clique ici pour le consulter ou pour le télécharger)!

Les tirages proposés divergent, se ressemblent, se recoupent, se complètent afin de coller au mieux à ta situation. Ils couvrent les domaines de la créativité, de l’engagement, de la spiritualité, des collectifs. Et ce, séparément ou avec des ponts entre ces terrains.

Ce sont des tirages personnels pour t’aider à te comprendre et à te positionner, mais sans perdre de vue ta place dans le monde, dans tes communautés ni ta contribution à la justice sociale. Lire la suite « Étalements de tarot engagés »

« La » déesse, « la triple déesse », une critique féministe et queer

Pour expliquer ce qui me chiffonne avec tout ça: trois vidéos, mes notes de travail et une brève bibliographie.

Finalement, la trame qui a servi à l’élaboration de mes 3 vidéos n’est pas aussi fidèle à la structure des vidéos que je l’aurai voulu. Vous pouvez toutefois retrouver les grandes lignes dans ces notes de travail (avec les fautes et le fouillis qui va avec hein, c’est un brouillon, pas un article ^^).

  • Qu’est-ce que c’est ?

Des échos anciens, des déesses triples, des déesses vierges etc (même si ça n’a pas le même sens que le sens commun de nos jours),

La lune (tradition dianique), en particulier l’analogie avec ses phases

Des aspects d’une même déesse,« la » (grande) déesse, qui serait une sorte de principe, conçu dans beaucoup d’approches wiccannes et/ou psychanalytique en parallèle avec un autre « masculin », comme le dieu cornu.

Lecture de religions et philosophies non occidentales avec cette grille.

3 stades de la vie d’une femme ( ?), métaphore des cycles de vie et de mort tout comme la lune. Donc c’est une métaphore de la vie, pour chacun de nous et en général.

–> avant tout, c’est un schéma qui aide à comprendre le monde

  • Pourquoi j’ai promis d’en parler dans ma vidéo initiale sur Hécate?

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Pourquoi je m’exprime à travers la nudité en tant que grosse

avertissement: évidemment, cet article contient des images avec de la nudité

Je m’exprime à travers la nudité en tant que grosse parce que

🍃Ça me permet d’observer et d’aimer mon corps à travers mon propre regard (passion selfies !), sans forcément le sexualiser, sans chercher à tout prix la beauté. Mais avec douceur. J’ai déjà écrit beaucoup sur ce que les séances photos ont bousculé dans mon rapport à moi-même. On apprend très tôt à détester nos corps. Le désapprendre, c’est déjà résister (modestement) à cette haine et à ce système.

🍃Je veux que tu vois mon corps à travers mon regard. Pas les corps gros du JT, pas ceux des journaux, dont la tête n’entre pas dans le cadre, de préférence dans une artère commerciale ou avec un paquet de chips. Je veux que tu aies la possibilité de désapprendre aussi ce regard. J’espère qu’en voyant le corps gros autrement, dans un contexte où il n’est pas présenté comme ce qui te dégoûte et que tu dois fuir coûte que coûte, tu passes en revue certains de tes clichés. J’espère que tu t’habitues à penser différemment. J’espère que tu désapprends la grossophobie qu’on intègre tou.te.s. Lire la suite « Pourquoi je m’exprime à travers la nudité en tant que grosse »

Le voyage de Perséphone 4

Tu es derrière moi. You have my back. Si tu n’étais pas derrière moi pour m’aider à accomplir l’ordre des choses, le rythme des saisons, je prendrais mes jambes à mon cou. Je compte sur toi tout comme j’ai besoin que tu m’extirpes à cette terre que je chéris le printemps venu pour me ramener à ma mère, à tout ce qui bourgeonne en surface.

Hekate, toi qui es derrière moi, tu m’entends clairement. Tu entends tout, du faible frémissement des premières feuilles qui tombent sur le sol au craquement du crocus qui brise son bulbe. Tu as distinctement entendu mon orgasme quand j’ai jeté mon dévolu sur le ténébreux Hades.

Hekate, je déteste quitter Déméter. Ses hurlements hantent notre trajet. Mon déchirement moins dramatiquement extériorisé n’est pas moins grand. Je crains de ne pas la retrouver. Sans toi, j’ignore tout de la route. Sans toi, je ne peux pas revenir. Je rêve souvent que je me perds dans les méandres de l’Enfer, incapable de remonter, errant dans les souterrains, comme l’a fait ma mère là-haut quand j’ai disparu. Nous sommes au croisement du jour et de la nuit. Ma respiration siffle. Lire la suite « Le voyage de Perséphone 4 »