Zines Grosse et Fière et Grossophobie

tumblr_inline_ovtk71agy31qj0h5y_500 (1)Mes copies couleurs sont épuisées pour l’instant. Des exemplaires circulent cependant grâce à des librairies de zines. N’hésitez pas à les copier et partager.

La plupart des textes ont été récupérés de feu mon tumblr (plate-forme qui a succombé à la censure des corps hors-normes, de la nudité et du féminisme: à boycotter). Ils sont désormais en consultation ici même.

Et le zine numérisé en version assez brouillon, c’est là:

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Fems. Des définitions?

Fems.

Il n’y a pas une, mais des définitions
Il n’y a pas une, mais des histoires
Il y a des intersections, des créations, des nœuds, pas des abolitions
Des suspensions
Il y a un nom, des synonymes, des appropriations, des mots qui sonnent creux
Il y a des mots qui résonnent, des envies qui font mouche, des exclusions qui rapprochent.

Il n’y a pas une mais des définitions

Qu’est-ce qu’un-e fem ? Les sourcils froncent. Les bouches se tortillent (peut-être que des butchs aussi, qui sait ?).

Fem, en ce moment, c’est un raccourci facile pour « féministe », non ? Les « rad fems », la frange du féminisme radical la plus opposée aux travailleuses du sexe et aux personnes trans, ont peut-être lancé la mode. Ces derniers mois, plus un événement féministe qui nutilise « fem ».

« Femme » en anglais, cest pas la même chose que « woman » ça se prononce « fem » ou « fâm » ?

« Fem », j’connais pas ça sonne bizarre.

 

Les fems sont des mutant-e-s. Ce sont des licornes. Des créatures mythiques entourées de mystère, poursuivies par les rumeurs, méconnues ou inconnues. Les fems n’existent pas assez pour qu’on y songe lorsqu’on utilise à tout va « fem » à la place de féministe. Trop fluides pour être cernées. Trop cryptiques pour être décodées.
Les fems sont des mutant-e-s en mal d’histoire. En peine de communauté.
Des voyageuses entre les mondes.
Des ombres qui dégoulinent des encres qui dessinent des histoires qui ne s’ancrent pas.
Les amitiés fems (les femitiés), les amours fems, la baise entre fems tirent leur puissance des silences
Des manques et de l’imaginaire qui s’enroulent dans leurs mystères.

Il y a autant de définitions de « fem » qu’il y a de fems.
Fois dix mille.
Il y a autant de définitions qu’il y a de journées dans la vie d’une fem.
Il y a autant de définitions qu’il y a d’intersections.
Il n’y a pas de définition.
Il y a du collectif et des individu-e-s.
Il y a nos narrations, nos privilèges, nos traumas, nos réappropriations, nos tâtonnements, NOS DESIRS, nos (a)sexualités, nos genres, nos positions, les coups différenciés des systèmes de pouvoir, nos positionnements.
Il y a la solidarité.
Un fil rouge, d’autres roses, des ruptures, des baumes, des sortilèges.

Lasse.
L’isolement des fems.
L’incompréhension.
Il y a des intersections, des créations, des nœuds

Fem. Pour certain-e-s, c’est le look. La sape. Le maintien. L’attrait du maquillage, des talons, des robes. Pour certain-e-s. Parfois, on les appelle les « high fem(me)s ». Pour certain-e-s, fems, ce sont des attributs traditionnellement féminins appropriés et utilisés en toute conscience, avec excès, avec un soupçon de parodie, ou juste comme ça. Pour certain-e-s, fem, c’est principalement une question d’expression de genre.

Fem comme un travail sur la fem-inité qui n’a rien à voir avec l’apparence, c’est lae fem qui investit des champs traditionnellement considérés comme « du travail de femme », donc peu valorisé et donc souvent gratuit ou sous-payé. En embrassant ces champs, les fems les subliment, sans idéalisme, sans se leurrer sur leur lourde charge symbolique et financière. Yels sont infirmières, sorcières, travailleuses du sexe. Yels investissent le care, l’écoute, la tendresse radicale. Yels accueillent les émotions. Yels soignent le collectif. Yels épaulent. Yels embrassent et yels sapent. Yels changent.

Les fems de la performance jouent sur les décalages et la mise en scène. Leurs fringues quotidiennes et/ou leurs performances artistiques en font des drag queens. La parodie leur est confortable. Eulles dissèquent la « féminité » qu’on est enclin-e-s à présenter comme une essence. Eulles en extraient des excréments et des parfums et elles les vaporisent. A coup de spray, eulles les pulvérisent. Reconfigurée, la féminité devient absurde. Trop exagérée pour être honnête. Trop sale pour être respectable. L’essence n’est plus. Elle n’a jamais été. Les fems de la performance se jouent de la féminité avec ironie. Pas dupes, eulles en font aussi les frais. Eulles paient le prix de leur arrogance balancée à la face de l’hétérocispatriarcat. Eulles l’accueillent avec un rictus. Un sourire de bonne femme, une bouche déformée de martyr, une note de prima donna, un hurlement de louve. Eulles n’arrachent pas leur masque ; eulles le laissent se fissurer, dans un éclat de rire digne des pires méchantes des contes. Eulles sont douces et trash. Eulles sont belles et monstrueuses. Freaks. Fems.

Les éléments disparates qui font et défont les fems, qu’ils s’emmêlent ou se délient…

Extrait de mon zine Fems!? à consulter ici: Fems-cathou-zine-jui2018corr

Fems. Qui sont les fems?

Les éléments disparates qui font et défont les fems, qu’ils s’emmêlent ou se délient…

Réappropriation de qualités considérées comme féminines. Dans un système de genre cadenassé, masculinité et féminité se conçoivent comme des pôles opposés et complémentaires. Sauf que l’un domine l’autre. Et la féminité est exploitée Elle s’écrase. Dans un système hétérocisnormé, adhérer à la féminité revient à signer le contrat de ton propre épuisement. Ta vie devient conditionnée par le regard des hommes. Tu te soumets à leurs attentes. Ou bien, parce qu’on n’est jamais qu’une victime, parce que la victime est sujet, tu y résistes, tu négocies, tu plies. Tu plies et tu espères ne pas rompre. Tu uses de stratégies. La féminité est alors flexible et potentiellement dévastatrice. Tes articulations en prennent plein pot tandis que tu te laisses porter par le vent, que tu remontes à contre-courant, que tu abaisses ton centre de gravité, que tu essaies de te faire plus grande, plus mince, plus pulpeuse.

Pour certaines fems, refuser le contrat hétérocis, souvent implicite, est un acte de défi mûrement réfléchi. Explicite. Affirmé. Elles prétendent y échapper. D’autres n’envisagent pas de répit. Elles ne voient pas le dehors du système qui les alpague et les happe. Elles l’envahissent pourtant de leurs manœuvres comme autant de provocations.

Il y a les fems qui proclament la guerre et revendiquent la subversion. Il y a toutes ceulles pour qui être fem est la seule façon d’être, la façon de survivre. Il y a celles qui habitent et dessinent des féminités qui feraient moins mal. Il y a celles qui rejettent et piétinent la féminitéééé. Il y a les fem-itudes.


Il y a des mots qui résonnent, des envies qui font mouche, des exclusions qui rapprochent.

 

Yels sont trans, lesbiennes, gouines, bies, queer – binaires ou non. Certain-e-s sont des pédés à la follitude pétrie de femitude.

Extrait de mon zine Fems?! à consulter ici: Fems-cathou-zine-jui2018corr

Fems. Des mots qui résonnent

Il y a des mots qui résonnent, des envies qui font mouche, des exclusions qui rapprochent.

 

Yels sont trans, lesbiennes, gouines, bies, queer – binaires ou non. Certain-e-s sont des pédés à la follitude pétrie de femitude.

Parmi les grands débats : est-ce qu’une fem est une lipstick, et inversement ? Dans la « typologie lesbienne », la lipstick est une lesbienne à l’apparence féminine. Le lipstick fait référence au maquillage des lesbiennes de la pop culture des années 90 et 2000 : celles des pubs à l’heure de gloire du porno chic, les personnages de L-Word, souvent des actrices et mannequins cishétéras quoi. Le capitalisme et le marketing auraient en quelque sorte donné naissance à la lipstick. Sauf qu’elle a aussi permis aux ados de ma génération de s’imaginer lesbiennes, bies, meufs queers. Elle nous a ouvert un imaginaire loin des stéréotypes habituels. Marge de manœuvre toujours ténue quand on mobilise les figures lesbiennes de la pop culture.

Son association au capitalisme rend la lipstick peu attachante dans les milieux qui se disent « politisés ». Elle ne serait pas ouuuuh déconstruite. Elle occuperait le registre de la féminité sans le questionner, horreuuuur. Tandis que les fems mettraient dans leur démarche davantage d’intentionnalité. Elles seraient résolues à comprendre les rôles de genre et les préjugés avant de s’en emparer. Elles ne se départiraient jamais de cette autonomie par rapport aux normes.

Je pense que la vie est plus compliquée que ça. Il ne suffit pas de vouloir affirmer son genre ou sa subversion des genres pour parvenir à ses fins. Il est impossible de s’émanciper seule de l’hétérocispatriarcat.
Mais.

Extrait de mon zine Fems!? à consulter ici: Fems-cathou-zine-jui2018corr

Fem. Un bout d’histoire(s).

Il n’y a pas une, mais des histoires

Ma femitude est un genre. Lipstick est un adjectif, péjoratif en raison de son association à la féminité et au maquillage (et donc forcément intéressant avec une grille de lecture féministe !), relatif à l’expression de genre. Il décrit l’apparence, les goûts, la façon de bouger, ce genre d’aspects. Ma femitude est irréductible à l’apparence. Les femmes sont constamment réduites à l’apparence. Tout comme les fems, y compris dans les communautés LGBT+, transpédébigouines et queer. Fem est mon genre. Non-binaire. Rebelle. Fem est sans conteste accroché à mon lesbianisme. Le lesbianisme a rendu ma femitude intelligible à moi-même. Il m’a autorisée à vivre. Il m’a donné l’existence sans la souffrance. Reconnaissance. Ce combat de tous les instants et cette aisance débordante avec le kitsch et les parures sont devenus vivables dès lors qu’ils pouvaient être sans référer à l’autorisation ni à la validation des hommes cisgenres. Eclatants somptueusement dans le désir lesbien, ils ont fleuri. Fem n’est pas le rejet du désir. Elle est l’affirmation radicale de désirs sans les hommes cisgenres. Sans concessions déterminées par et pour d’autres. Sauf peut-être à l’issue de réflexions dans nos communautés fems, si nos femitudes en desservent d’autres. Fem, c’est quand la solitude explose. Quand les autres fems t’offrent à toi-même.

Fem, c’est des féminités qui s’opposent à la compétition. La concurrence apparaît comme le destin de la féminité dans l’idéal cishétéro. En quête de sa confirmation, la féminité provoque des confrontations visant à valider sa réalité. Elle suscite une compétition permanente, hantée par le devoir de se prouver par rapport à d’autres, ceulles qui échouent, ceulles qui ne sont pas assez ou trop.

Fem, c’est la solidarité, la certitude de se tourner vers quelqu’un-e pour trouver la validation. A toutes épreuves. Fem n’est pas soumise à conditions comme l’est la féminité. Les femitudes existent et exultent sans preuves à l’appui.

Ma femitude est un genre douloureux et joyeux. Elle s’inscrit en continuité et en disruption du genre qui m’a été assigné. Exubérante et pleine de regrets : pourquoi ne peut-on pas sortir en drag queen tous les jours ? Comment une fem assignée fille à la naissance et cisgenre comme moi peut-elle soutenir les luttes trans et les fem(me)s trans ? Comment ma femitude genderqueer et cisgenre peut-elle impérativement s’éclipser pour soutenir les fems trans ? Comment être solidaire avec le groupe des femmes, s’y sentir incluse et le respecter, tout en se trouvant chez-moi dans un genre « autre », décalé, fem ? Comment être fem sans nier les rapports de genre, leur binarité et leur pouvoir ? Comment être une fem sans être prétentieuse, comme si ce genre me distinguait ? Comment ne pas hurler quand on se moque de mes jambes poilues et de mon crâne nu ?

Fem, c’est ne plus s’effondrer quand on déclare « les cheveux, c’est la féminité, être trichotillomane, c’est ne pas être une femme ». C’est d’ailleurs décréter qu’il y a de la vitalité dans le mouvement d’arracher compulsivement un symbole trop lourd à porter. Ma femitude, c’est le vintage et l’outrance. Ma femitude, c’est ramener l’intime, sans cesse. C’est la ramener avec l’intimité. C’est ce besoin irrépressible de faire sauter les verrous de ce qui se dit ou pas et d’adopter une posture de vulnérabilité. Là où pour d’autres fems, ce serait ne devoir de comptes à personne. Ma femitude est autoritaire et vulgaire. Impertinente. Maternante dans le sens englobante et généreuse, mais pas mère, jamais.

Extrait de mon zine Fems!? à consulter ici: Fems-cathou-zine-jui2018corr

Fems. Des histoires.

Il n’y a pas une mais des histoires

Those freaks! Where do they all come from? Culture butch femme, Amérique du Nord, années 40 à 50. Femmes, comme une référence aux femmes fatales d’un certain âge d’or hollywoodien ? On prononce « fém », à l’américaine. Les lesbiennes et les bies des classes ouvrières habitent le duo butch-fem. Il y a là de la survie. Tenter de passer dans un monde hétéronormé. Garder nos remous pour nous pour rester en vie. Certain-e-s ont dit : pâle imitation du couple hétérosexuel ! D’autres ont répliqué : on a inventé nos codes. On a magnifié des aspects de la masculinité et de la féminité en les arrachant à l’hétérosexualité ! On a tordu le cou à l’hétéronorme et à la misogynie. Peut-être qu’il fut un temps/lieu où il était difficile d’être une les-bie-nne sans avoir à choisir un camp : butch ou fem. De la difficulté à développer des communautés en marge de l’homophobie et des normes en vigueur sans instaurer nos normes contraignantes dans ces marges. Combat de tout temps. Naviguer. Survivre. Concessions.

Virevoltantes dans la culture des bars, les fems sont aussi devenues les drag queens et les femmes trans. Le spectre des féminités déviantes s’élargissait.

En France, on pense aux réappropriations de la masculinité et de la féminité par des artistes bourgeoises ou nobles des années 20 et 30. Et on a parlé des Jules (et des Nanas), des termes que les années ont relégués à quelques mémoires. Autres lieux, autres classes sociales. L’histoire des femmes non cisgenres et/ou hétérosexuelles des classes populaires est lacunaire, preuve que l’hétérocispatriarcat et le capitalisme imprègnent les manières de l’écrire.
Des tas d’autrices fems ont écrit sur la mise au placard des butchs et des fems par la deuxième vague du féminisme des années 70 et 80. En Amérique du Nord comme ici, en Europe occidentale. On parlait d’abolir le genre. On parlait de sororité. Ces personnes trop visibles, trop clichés, trop vulgaires faisaient tache. Leur sexualité trop visible faisait ombre aux femmes hétérosexuelles et puis au lesbianisme politique ou radical qui prônait parfois une scission de toutes les visions conventionnelles de la sexualité. Or une partie de l’imaginaire butch-fem était alors peuplé de godes, de codes, de galanterie, de cruising, de sexe dans l’espace public, de fétichisme. Polarisation au sein du mouvement féministe lesbien. Dure. Dévastatrice. Pourquoi souvent plus de violences quand on se sent trahi-e-s par les nôtres, dans nos communautés de luttes, que quand on adresse nos ennemi-e-s commun-e-s ? Les visages de nos luttes se déforment sous nos pleurs. C’est ainsi qu’on grandit, dans nos multitudes, loin des monolithes.

Dans les années 80 et 90, le queer se développe ainsi qu’un féminisme pro-sexe. Les fems reviennent en force. Yels ne sont plus vissées automatiquement aux butchs. Toute la vision des fems s’est relâchée.

En Europe francophone, on ne sait pas trop d’abord. On sait que « fem » est un terme qui circule dans les milieux lesbiens. On sait aussi qu’il s’écrit peu. Certains passages de la thèse d’Aurélie Chrestian consacrée aux fems m’ont marquée. Elle a remarqué que dans les premières traductions des romans, essais et nouvelles de Dorothy Allison, autrice fem états-unienne, le mot anglais « femme » devenait « passive », « femme fatale » et même « petite fille » (!!!). Ces histoires dont on préférerait qu’elles ne se disent pas. Ces histoires passées à la moulinette du regard masculin et hétérosexuel. Ces transmissions qui n’ont pas lieu. Les oubliées de l’histoire qui peinent à se retrouver entre yels.

Extrait de mon zine Fems!? à consulter ici: Fems-cathou-zine-jui2018corr

Fems! En guise de suspension…

Il y a des intersections, des créations, des nœuds, pas des abolitions
Il y a un nom, des synonymes, des appropriations, des mots qui sonnent creux
Il y a des mots qui résonnent, des envies qui font mouche, des exclusions qui rapprochent.

On a mis du temps à se retrouver. On a mis du temps à communiquer sur un même langage. Ce langage qui nous met à mal. Des autrices comme Wendy Delorme et des cinéastes comme Emilie Jouvet ont livré leur vision de « fem ». Elles ont donné de la visibilité au terme.

On s’est retrouvées. On peine à se retrouver. Certain-e-s fems anglophones ont écrit que fem était un éloignement permanent de la norme. Elles ont dit : comment peut-on être fem quand on est queer, certes, mais aussi blanche, cisgenre, mince, valide, jeune ? Comment ? Je porte cette interrogation, sans pour autant juger les fems qui le sont. Mais qui est visible ?

Je suis visible. Fem blanche, de classe moyenne, grosse, cis, plus ou moins valide selon les périodes, je suis visible. Plein de personnes m’ont dit : je ne peux pas être une fem, je ne suis pas comme toi. J’ai compris alors que ma femitude excessive, rose, très maquillée, très décolletée, très barbie grrrl pouvait prendre trop de place. On échoue à chaque fois qu’on donne l’impression qu’il n’y a qu’une façon d’être fem. On échoue à chaque fois qu’on déclare que les fems sont tou-te-s des bottoms ou tou-te-s des dominas.
On échoue. Fem est un glorieux échec quoi qu’il arrive, en tant que fem-inité sans allégeance.

Fem est faite de zones tendres, de corps qui s’affaissent. Fem est faite pour rebondir là où ça fait mal.

Il y a des mots qui résonnent, des envies qui font mouche, des exclusions qui rapprochent.

J’écris cet article, ce zine, ce témoignage – enfin ce truc dont je ne sais pas encore ce qu’il deviendra – depuis environ un an. Dans ma tête, je l’écris. J’évite le clavier car j’ai trop mal.

Je pense à ce documentaire sur les fems qui est resté en suspens trois ans. Je pense aux mots durs que j’ai eus, aux camps que j’ai choisis trop hâtivement, à la blanchité qui éclipse. Je pense que je crève de mal au bide quand des personnes me confient être futch parce que fem, c’est trop binaire ou trop féminin. Je trouve ça formidable d’être futch. Mais comment a-t-on épuisé ainsi la femitude ? Comment est-elle devenue figée et contraignante ? Et quoi, alors, toutes mes amies qui sont des fems paresseuses, qui ne sont pas dans le registre de la féminité dans leurs fringues, c’est des fausses fems ou quoi ? Il y a autant de définitions…

Il n’y en a pas. Chaque fois qu’une hétéra cisgenre lit le mot « femme » en anglais et se l’approprie sans chercher plus loin, fem se vide. Notre espace rétrécit. Pourtant, j’aime quand fem se vide. J’aime qu’elle soit une sécrétion qui s’échappe. J’aime qu’elle soit la crasse qui coule. J’aime qu’elle enraye la mécanique aussi subtilement que sournoisement.

Dans le même temps, je m’y accroche comme une identité. Je sais intuitivement qu’elle n’est pas/plus une identité. Je sais que c’est sa force. Mais je m’y accroche. Parce qu’elle m’a permis de nommer. Elle m’a donné vie. Je crois bien que la première fois que j’ai lu/entendu le mot fem, j’ai arrêté d’être suicidaire. J’ai été suicidaire 15 longues années. Et à 27 ans, je suis devenue une fem. Une survivante.

Fem est puissante car elle est hybride. Fem me déborde des pores. Elle n’est pas (qu’)une identité. Elle est un poison et un remède. Elle s’immisce dans les interstices. Elle pollue. Elle purifie. Elle parasite. Elle ravage. Elle bâtit. Elle rassemble.

Fem est puissante. Pourtant, je pense à tous ces festivals féministes qui utilisent « fem » comme un diminutif et je me sens faible. Invisible. Encore invisible. On dit à mes amies fems qu’elles ne sont pas bienvenues dans un espace féministe lesbien parce qu’elles sont trans et je veux m’accrocher à  fem comme le signe de nos solidarités. On demande à mes amies fems ce qu’elles foutent dans un espace queer parce qu’elles sont dans une relation avec un homme et je veux que fem se mette en travers de la biphobie. Invisibles.

Mon intuition me dit qu’on est bien plus qu’un mot. Mais le langage structure tout. Il ne faut pas avoir peur de bousculer la langue. Il faut malaxer cet outil des puissant-e-s pour qu’il cède sous nos puissances queers. Pourtant, il faudrait qu’elle reste accessible, cette langue en chantier. Il faudrait qu’elle s’écrive et se lise pour les personnes dyslexiques, sans diplôme, sans jargon, qui utilisent la langue des signes, qui… La mettre à mal et à disposition, au service.

Je n’ai pas d’autre mot que fem. Je n’ai pas de cri de ralliement. Je n’ai pas de solution. Fem n’est pas une solution. Fem n’a pas de solution. La solidarité fem brille de solutions.

Je ne sais pas quoi te dire. J’ai confiance en nous.

PS : entre fems, on s’appelle parfois « mefs ». Genre : « ça va mef ? » ou « Eh, mef, t’es extraordinaire ! » C’est chouette ! Si tu veux essayer…

Suspensions.

Extrait de mon zine Fems!? à consulter ici: Fems-cathou-zine-jui2018corr

Exemples de privilèges dont jouissent les personnes minces

Cet article est une traduction de ceux-ci:
http://everydayfeminism.com/2012/11/20-examples-of-thin-privilege/

http://heyfatchick.tumblr.com/post/1296446884

Mise à jour 2020. Pour des textes plus personnels sur le sujet: Un monde anti-gros.ses + la grossophobie, c’est quoi? Quelques exemples + représentations des corps gros

publication initiale sur mon blog Grosse Fem: 10/11/2014
pour une publication remaniée plus récente, voir mes zines.

Lire la suite « Exemples de privilèges dont jouissent les personnes minces »

Les combats contre l’oppression des personnes grosses / 1: Riot not Diet

Il existe des tendances dans les façons dont témoignent, militent ou s’organisent les personnes grosses et dans les moyens qu’yels utilisent pour le faire. Peut-être inconciliables. Certainement pas irréconciliables. D’une oppression commune découlent une multitudes de vécus et une grande variété de mécanismes de gestion des discours dominants.

En ce qui me concerne, je me revendique du militantisme gros (fat activism) depuis près de cinq ans et la hargne avec laquelle je hurle Riots not Diets (la rébellion, pas les régimes) demeure inchangée. Il s’agit d’un rejet de l’industrie des régimes et de la chirurgie de perte de poids (inefficaces sur le long terme de toute façon (0)), un cri féministe s’élevant contre le contrôle du corps des femmes et un appel à s’engager dans le changement social, la rébellion, voire les émeutes. Pour paraphraser librement Naomi Wolf : une société qui fait une fixette sur la minceur des femmes est une société où celles-ci n’ont pas l’espace de cerveau disponible pour se rebeller (1). Cette affirmation laisse pourtant peu de place à la capacité de négocier avec les injonctions, d’user de stratégies ou de survivre en mode guerrière même en intériorisant et en incorporant les normes sociales de minceur (2). Par ailleurs, Wolf appartient à une lignée de féministes minces qui parlent volontiers de l’idéal de minceur et de ses conséquences sur les femmes, mais jamais des femmes grosses. Aussi, je reprends volontiers le constat de Kathleen LeBesco : si nos corps sont considérés comme abjects, révulsants, écœurants (revolting), nous pouvons toujours nous les réapproprier en corps en révolte (revolting) (3).

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Riots not Diets. Ce slogan anti-régime coupe l’herbe sous le pied aux personnes qui commentent nos corps, le contenu de notre caddy ou notre état de santé supposé. Lire la suite « Les combats contre l’oppression des personnes grosses / 1: Riot not Diet »

Les combats contre l’oppression des personnes grosses / 2: Vocabulaire

publication initiale sur mon blog Grosse Fem: 18/06/2017

Je me revendique du fat activism. Eh bien, figurez-vous que depuis quelques années de nombreux-ses chercheur-e-s académiques travaillent aussi dans le champ des fat studies. Ces études sur la grosseur se distinguent des recherches sur la dite « obésité » (qui sont généralement anti-obésité et sponsorisées par des parties prenantes dans l’industrie de perte de poids (0)). Le point de départ des fat studies n’est pas la pathologisation d’une certaine corpulence mais plutôt les aspects sociaux, économiques, éducatifs, psychologiques, les biais médicaux, les représentations relatifs à la grosseur. (1). Dans la lignée du fat activism tel qu’il s’est développé au départ des Etats-Unis dans les années 70 et du développement des fat studies, voici quelques grands principes sur le choix des mots :

Surpoids 

Il est conditionné à l’existence un poids normal. Vous allez me dire : oui, c’est l’IMC qui le détermine. En fait, ce qui est devenu l’indice de masse corporelle a été développé au 19e siècle par Quetelet, statisticien belge, afin de pouvoir observer les variations dans la population et de faire des typologies (établir des « types » c’était super à la mode à l’époque, on en connaît les dérives racistes et eugénistes). Son but n’était pas du tout d’évaluer la santé d’individu-e-s. tumblr_mlm9unuoyz1qkve9lo1_500Son usage s’est répandu au cours du 20e siècle notamment à cause des compagnies d’assurance américaines à la recherche d’outils qui leur permettaient de classer leurs clients en fonction de leurs risques supposés de contracter des maladies. Quelques décennies plus tard, l’organisme national de la santé aux Etats-Unis a décidé, sous l’influence de l’OMS, de changer quels indices correspondraient à quel type de corpulence. Et hop, du jour au lendemain, des millions d’Américain-e-s sont devenus « en surpoids ». Indice fluctuant et utile pour catégoriser? Peut-être pas pour diagnostiquer! Et puis, il ne prend aucunement en compte les différences, pas même celles de genre. En outre, même si on s’entête à utiliser des outils problématiques, la répartition de la morbidité selon l’indice de masse corporelle n’est pas celle d’une augmentation constante mais plutôt une courbe : élevée pour les personnes très minces comme très grosses, plus élevée chez les personnes considérées comme « normales » que chez celles « en surpoids » (ces dernières seraient donc plus « saines »). (2)

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Obésité

Ce terme a gagné en popularité dans le monde occidental à la fin du 19e siècle et au cours du 20e siècle. On assiste alors à une pathologisation de la grosseur (3). Le monde médical, largement relayé dans les productions culturelles, y a vu un état dont résulterait toute une série de conditions problématiques comme des maladies cardiovasculaires. Or, aucune relation de causalité n’a à ce jour été démontrée (4).  Il y a bien une corrélation. Un lien. Pas nécessairement de cause à effet. Le lien pourrait être : Lire la suite « Les combats contre l’oppression des personnes grosses / 2: Vocabulaire »