publication initiale sur mon blog Grosse Fem: 30/05/2017
Toutes les illus : Rachel Cateyes
On en est donc là. Encore. Toujours. Inlassablement. Depuis des années. Expliquer la grossophobie. Expliquer ce qu’est l’humour oppressif.
Redire encore que les mots ne sont pas que des mots, qu’ils forment le réel, qu’ils n’ont d’existence qu’avec le réel. La réalité de nos existences. La réalité des systèmes de domination qui s’imbriquent pour faire des vies de certain-e-s un enfer. Patriarcat, hétéronorme et cisnorme, suprématie blanche, capitalisme et le reste : l’islamophobie, l’oppression de la grosseur, l’handiphobie et l’âgisme,…
La grossophobie, elle est partout. Elle n’est pas anecdotique, non non. D’abord, elle est là pour tout le monde à peu près. En particulier les meufs, qui ont une peur panique de grossir, qui parlent de leurs régimes tout le temps, qui s’affament, qui détestent leurs corps. Elle impacte, indirectement, même les minces, qui craignent de grossir et de rejoindre la catégorie sociale tant méprisée des gros-ses.
Pourtant, yels n’en sont pas les victimes directes et nous, les gros-ses, on subit aussi leur grossophobie. Pour ces gens, on est tout ce qu’yels ne veulent pas devenir, on est leur motivation à ne pas se transformer en nous. Et on les entend, tout le temps, parler de leur régime, de ce qu’il y a dans leur assiette. Et on se voit transformé-e-s en large coquille vide symbolisant tout ce qui les rebute.
Dans un monde grossophobe, en tant que gros-se, t’existes pas en fait. La grosseur n’existe que comme condition à fuir.
Il faudrait la quitter à tout prix, retrouver la personne mince qui sommeille en nous. D’ailleurs, tou-te-s les psys (officiel-le-s ou auto-proclamé-e-s dans la rue, à une soirée ou dans leur cabinet de charlatans) ont des explications à ce gras. Pour eulles, il est une barrière de protection entre nous et le monde, la survivance de nos traumatismes passés. Expliqué, jamais légitime, cible à atteindre, à disparaître. En dessous, il y aurait ton toi véritable, sans gras.
Ton existence ne vaut pas la peine d’être menée si t’es grosse. Nos vies sont invivables, elles n’ont de sens que dans l’exil. Elles ne valent que si elles ne sont temporaires. Que dans la souffrance des régimes et des chirurgies, qui finissent généralement par échouer mais non sans laisser nos organismes dévastés par le yo-yo, en carence à cause des opérations. Il y a déjà quelques années, une étude auprès des Etats-Unien-ne-s avait démontré qu’une écrasante majorité de la population préférait perdre plusieurs années d’existence que d’être gros-ses.
Pourtant, ces gens nous rappellent sans cesse que si yels nous oppriment, si yels nous méprisent, c’est « pour notre santé ».
Lire la suite « La grossophobie, c’est quoi? Quelques exemples » →