Avec le 2 de bâtons, nous sommes sur le seuil, au point de départ. Quand, nous trouvons le 3, nous sommes en route – que nous soyons au début de la transition, en train de planifier ou au beau milieu du pont, en train d’ajuster notre trajectoire. Si le 2 est sur le pas de la porte, encore hésitant-e, là où tous les possibles sont envisageables, le 3 de bâtons a réalisé le tri. Il navigue les possibles. Il est le portail, comme une capsule spatio-temporelle qui (ré)unit les époques et les lieux. Ou comme un point de convergence.
Partant de la notion de pont proposée pour le 3 de bâtons par Lindsay Mack dans l’épisode 187 du podcast Tarot for the wild soul, je parviens à trouver les mots pour distinguer le 2 et le 3 de bâtons. De notre position présente, le 2 nous relie au passé pour mieux envisager l’avenir. Il nous amène à passer en revue nos bases et notre parcours. Il nous confronte à la nécessité de faire des choix pour faire place à la transition que nous espérons. Le 3 de bâtons, quant à lui, fait office de pont entre le présent et l’avenir. Il représente tout ce qu’on met en place pour assurer la transition. Comment allons-nous créer sur base de notre vision? Comment évolue ce que nous créons?
Dans les quatre suites du tarot, les 3 symbolisent la magie du rassemblement: interactions, ce que l’on crée ensemble, ce que l’on partage. Les préfixes co- et inter- conviennent bien aux 3. La magie du 3 de bâtons? Celle du voyage dans le temps. Une énergie visionnaire. La capacité de se projeter. Naviguer les possibles.
Quand j’ai commencé cet article il y a quelques mois, j’avais envie d’un texte trop parfaitement bien étayé : des tonnes de sources, des vérifications approfondies, etc. Comme toujours, les aléas de ma santé en décident autrement. L’article ci-dessous se révèle plus brut. Il est beaucoup plus court. Comme un chantier sur lequel je reviendrai, plutôt qu’un long essai super élaboré. Le temps de la réflexion permettant à l’agacement de décanter, le projet s’est redessiné. J’ai peu retravaillé mon argumentaire. Il est plus « rond » que l’idée que j’en avais à la base.
Le Daughters of the Moon Tarot, un tarot féministe rond pionnier publié en 1984, m’a inspirée des réflexions plus libres. Après avoir créé une vidéo de présentation dans laquelle j’articule certains arguments de ce texte, j’y suis revenue, j’en ai arrondi les angles, j’ai accepté qu’il ne serait pas ce que j’avais l’ambition de partager initialement. Il est cependant un complément à la vidéo.
Sorcières et féministes, le grand écart ?
J’ai constaté un usage généralement péjoratif de « la sorcière féministe ». On la considère comme un épouvantail. Dénigrée, elle ne serait
ni un-e sorcière aux yeux des un-e-s. En effet, sa posture serait exclusivement théorique/politique tandis que seules les pratiques feraient la sorcière.
ni un-e féministe aux yeux des autres. Soit parce qu’yel aurait succombé à un phénomène de mode soit parce que le féminisme se voudrait rationaliste, anti-religions, etc.
Cette incompréhension dérive des multiples significations tant de « sorcière » que de « féministe ». Des féministes ont beau clamer depuis des décennies qu’il n’y a pas un mais des féminismes, l’anti-féminisme est tel que des collisions cognitives semblent vouées à se produire dès que quelqu’un-e s’en réclame. L’histoire de chacun de ces termes est bien plus complexe que les émois qu’ils provoquent.
Comment en vient-on à prétendre que les féministes auraient volé ou souillé une sorcellerie prétendument intemporelle alors même qu’elles ont cherché à l’historiciser (d’un point de vue purement académique ou d’un point de vue pratique) ? Comment utilise-t-n des arguments anti-capitalistes pour nier toutes les pratiques de sorcellerie qui ont existé et qui existent encore ? Pourquoi certaines féministes sont-elles aussi réticentes à intégrer les liens, qu’elles ont passé des décennies à déconstruire, entre femmes et nature ? Une fois pelées les couches de construction sociale autour des « sorcières », des « femmes, du « genre », de la « féminité », faut-il tout jeter au compost ou peut-on goûter le zeste et reconstruire ou se réapproprier (reclaim) des éléments ?
Féminismes des années 70
Pour mieux comprendre pourquoi on agite à tort le spectre de « la sorcière féministe », il faut remonter aux années 60 et 70. Se déroulent alors parallèlement deux mouvements (dont je me garderai bien d’affirmer qu’ils n’étaient pas joints par de nombreux ponts).
Ça fait des mois que la question est sur tous les claviers : pourquoi ne revient-on pas aux blogs ? On a grand besoin d’un slow internet. La plupart des initiatives tiennent à des individu-e-s.
Je sais pourquoi instagram a profité à mon quotidien de malade chronique. J’aime l’immédiateté de l’écriture. J’aime l’énergie du premier jet. J’aime partager des instants de vie, pris sur le vif, car ce sont eux qui m’inspirent. La praticabilité a rencontré la nécessité avec le Syndrome d’Ehlers-Danlos. Le téléphone exige moins du corps que l’ordinateur. L’instantanéité rencontre un stock de cuillères chutant drastiquement et aléatoirement en cours de journée. D’un format qui me plaisait, le réseau social est devenu le seul qui me convenait.
Ça m’a pris des mois pour parvenir à me déconnecter définitivement de facebook en 2019. La réactivité érigée en maîtresse n’était plus compatible avec mon handicap. Le stress qu’elle génère accroit considérablement mes symptômes. Ça m’a pris du temps parce que c’est comme ça que j’ai pu désapprendre l’addiction. Avec le recul, j’ai mieux analysé l’effet de ce média, au-delà des considérations pratiques et politiques. J’ai compris que la réactivité me rongeait. J’ai compris pourquoi. J’ai compris qu’elle avait une utilité militante limitée dans mon cas. Le sevrage de facebook a fonctionné. Je n’envisage pas d’y retourner. Mais y penser ne me donne plus des sueurs froides.
Le sevrage n’a pas tout à fait fonctionné. Mon addiction à l’un glissant vers l’autre, instagram occupait le temps que je ne consacrais plus à facebook. Encore une fois, j’avais les grilles d’analyse pour appréhender les dangers des réseaux sociaux. Encore une fois, le relatif bien-être qu’il me procurait l’emportait cependant sur la réflexion. J’avais déjoué les pièges de twitter et de facebook, en particulier leurs logiques de polémique et de confrontation. Comme beaucoup, je me tournais illusoirement vers insta comme un havre de paix. On y mettait les différends de côté pour s’intéresser davantage à nos points communs. Pour moi, il ne s’agissait pas d’embrasser le règne de la positivité néolibérale, mais plutôt communiquer dans un relatif apaisement.
Est-ce que ça a changé quand l’usage des stories s’est généralisé ? A quel changement d’algorithme, la compétition nous a-t-elle fait suffoquer ? Quand la pression s’est-elle normalisée assez pour qu’on se sente isolé-e dans le mal-être dont insta se nourrit (publie pour aller mieux, achète pour compenser, scrolle hagard-e jusqu’à trouver un soupçon de sens), pour qu’on se blâme sans plus voir les ficelles ? Tout le monde ne fait pas un effort conscient pour l’engagement avec son audience, l’esthétique en vogue, la limitation du nombre de mots. Mais bon nombre d’usagèr-e-s ressent ce vide à cause du shadow-ban ou bien parce qu’on a osé publier un format qui nous plaît vraiment, ce qui ne génère ni vues ni likes.
Alors, comme avec facebook, j’ai fait des pauses. Souvent j’ai annoncé des pauses que je n’ai pas tenues. J’ai constaté que ne plus poster revenait à ne plus attendre les réactions. Ce qui, ensuite, permettait de revenir progressivement sur la plate-forme sans qu’elle soit oppressante. Mais j’ai toujours quelque chose à dire. Les jours passent, je m’affiche de plus en plus. La spirale de l’attention se remet en place.
Sur instagram, on rencontre des gens avec qui on n’aurait pas discuté autrement. Ça fait du bien quand un burn-out militant ou professionnel se referme sur nous. Facebook devient alors une nébuleuse faite de toutes les vies qu’on a muées, de toutes les personnes dont on s’est éloigné-e. Celles qui nous ont trahi-e et celles qu’on a trahies. Instagram, c’était une bulle d’air frais.
Pendant ce temps, je tâtonnais au niveau de la création de contenu ailleurs. Je m’attelais à des séries thématiques sur mon blog dès que ma santé m’accordait un répit. Toujours de courte durée, mes répits se soldent par des séries en suspens. Pourquoi pas, tant que tous ces fils tissent malgré tout une tapisserie? Les vidéos me redonnent occasionnellement mon éclat d’antan. Sinon, elles montrent comme il est difficile de créer avec constance quand on est malade. J’adore les vidéos. Dès que j’ai un peu d’énergie, je m’y mets. Il y a des gens qui croient que je suis une fausse malade parce que j’ai l’air en forme dans mes vidéos. Moi, j’aimerais que cette forme soit plus fiable que quelques trêves mensuelles. Mes vidéos sont peu vues. Je m’en fiche. J’ai l’impression d’être moins contrainte que sur instagram. Je suis heureuse de toute personne qui apprécie ces partages plus « authentiques ». Qu’est-ce que l’authenticité ? Pourquoi considère-t-on généralement l’authenticité en ligne au prisme du genre (de la misogynie et de la transphobie quoi…) et des autres rapports de pouvoir ?
Ça fait des mois que nos claviers s’activent : on a envie de formats longs, on a envie de rigueur, on a envie d’échanger sur base de critères plus profonds. Nos esprits saturent : on n’en peut plus de cette pression, comment a-t-on pu oublier à ce point les valeurs de l’échange ? Pour les gens de ma génération, nous qui étions des jeunes adultes écrivant sur des blogs dans les années 2000, la nostalgie guette. Faut dire qu’il y avait l’anonymat, l’absence de contraintes, moins de harcèlement parce qu’on formait des grappes de blogs aux préoccupations similaires et on ne perdait pas notre temps maudire les autres. Faut dire qu’il y a eu des cœurs brisés, mais aussi des amitiés qui durent depuis 15 ans. Il y a des connaissances avec qui ont échangé des colis à l’époque, puis dont on a suivi le parcours de loin pour finir par se retrouver dans les mêmes sphères « spirituelles » avec le temps (pour le coup, être voisine d’anniversaire et avoir le même ascendant, ça doit aider non ?).
On nous dresse les un.e.s contre les autres
Mais, nous, on voit déjà tellement plus loin
On ne cède plus
Les pièges sont trop grossiers
Devenus familiers
Nous,
Rodé.e.s pour l’évitement
🌟 On nous donne l’impression que
On ne peut survivre
Qu’en s’entre-tuant
Mais, nous, on se redresse,
ou on se traîne,
ou on se porte,
en fonction de ce que nos corps font.
🌟 On regarde les étoiles
On planifie la rébellion
On nous dresse les un.e.s contre les autres
On se retourne contre
Cette machination du pouvoir pour nous diminuer
On utilise ce prétexte pour le mettre en pièce
Pour le festival Sorcières et militance organisé à Charleroi par Charlie Queen, j’ai conçu et testé des tirages de tarot. Avec cet article, j’en livre des versions améliorées. L’idée, c’est que tu t’appropries et que tu adaptes ces étalements en fonction de ta situation. Je souhaite aussi qu’ils soient utiles et qu’ils véhiculent de l’entraide. Par conséquent, c’est génial si ça te dit de lire les cartes à des personnes qui en auraient besoin en suivant ces modèles.
Les tirages proposés divergent, se ressemblent, se recoupent, se complètent afin de coller au mieux à ta situation. Ils couvrent les domaines de la créativité, de l’engagement, de la spiritualité, des collectifs. Et ce, séparément ou avec des ponts entre ces terrains.
Ce sont des tirages personnels pour t’aider à te comprendre et à te positionner, mais sans perdre de vue ta place dans le monde, dans tes communautés ni ta contribution à la justice sociale. Lire la suite « Étalements de tarot engagés »→
Tes besoins ne sont pas rencontrés. Pas remplis. Même pas vus. Ou bien on feint de ne pas les voir. Le résultat est le même. Avec un sol aussi boueux, chaque pas, chaque tentative devient plus glissante. Les pentes deviennent plus ardues. Les pavés sont infranchissables. Tu ne peux même pas les arracher au ciment pour les envoyer là où ils mériteraient d’atterrir.
Tu rencontres des fausses promesses. Des sourires lisses pas assez remplis pour atteindre les yeux. De l’hypocrisie qui ne paiera pas le loyer. Des feintes dont tu ne peux te dépêtrer dans l’enfer administratif. Des agent.e.s du système qui en déplore l’arbitraire et l’injustice comme une excuse de façade tout en exécutant le clic qui envoie ton dossier dans leurs archives, des gens qui sont le système.
Remarques méprisantes.
Te balancer la porte à la gueule.
Contrôler ton sac, appeler la sécurité. Sans raison. Les exécutant.e.s peuvent s’en passer.
Croche-pieds discriminants et structures excluantes.
Décréter que tu n’as pas démontrer les aptitudes. T’as pas justifié ta hargne d’intégration. T’as pas baissé les yeux devant l’autorité. T’as pas la tête de quelqu’un.e qui va se faire une place sagement. T’as pas démontré tes capacités de résilience.
Toutes les secondes. Des murs. Des impasses. Des pièges. Des bugs. Des erreurs. Enfin, c’est ce qu’on te dit. En réalité, c’est le fonctionnement même du système. Des sourires condescendants qui restent figés aux dents blanchies: quand on veut on peut. Lire la suite « 5 de pentacles face à un système oppressif »→
C’est pas de l’art, c’est du désespoir / regarder l’écran, l’objectif, ce que je construis ?
🔀
Au fond de mon lit
Il fait trop froid ailleurs
J’ai explosé mon stock de cuillères
En me pimpant ce matin
Pour aller essayer, encore,
De comprendre pourquoi
La mutuelle me paie pas ce qu’elle me doit
J’ai pas capté
▶️
Déprimée au fond du lit
Je me sens vidée
Je me sens pitoyable d’essayer
De concilier mon anticapitalisme
Et mon besoin de reconnaissance
⏺️
Je me compare
Aux gens qui m’ont plagiée
Aux gens qui font la même chose que moi
Mais qu’on appelle des artistes, elles,
Je me demande si c’est parce que je suis grosse
Et grande gueule
Mais je veux pas tomber dans le gouffre
Qui consiste à blâmer mes positions minoritaires
Pour tout ce qui ne fonctionne pas
Alors sans doute que je ne suis
Ni artiste ni autrice
Je me compare
Je veux continuer à écrire des zines
A donner du tarot
A partager du savoir
Je veux que ce pouvoir soit accessible
Mais je regarde les éditées, les invitées
Je pense que je suis nulle
⏮️ Lire la suite « M’effondrer comme un château de cartes »→
Encore une expérimentation et variation du tirage dont tu es l’héro.ïne! Oui, toi! Tu es au cœur d’une nouvelle aventure. Je prends ma plume pour changer un peu.