10 de bâtons. Saturation et étincelles

Sentiment de saturation. Rien de bien dramatique, pas de quoi contaminer tout le reste. Et en même temps, suffisamment pour déstabiliser.
C’est ça, au fond. Une forme de désorientation. Genre, ça va, j’avance, mais je sais plus tellement où j’en suis ni ce qui compte vraiment.

Comme c’est la saison des éclipses, je sais bien qu’il est inutile de forcer. Je sais qu’il faut faire avec. Comme c’est la saison des éclipses, il y a ces pépites de vérité qui m’apparaissent. Certaines choses restées confuses pendant des mois commencent à scintiller derrière le foutoir de bâtons. C’est la lumière qu’on distingue nettement derrière leur enchevêtrement sur la carte du Wild Unknown Tarot.

Tous les 10 du tarot représentent la fin d’un cycle et le début d’autre chose. Pour l’heure, ce sont plutôt des pistes. On jouit d’une meilleure visibilité puisque les feuilles sont presque toutes au sol. Même si ce paysage de fin d’automne représente avant tout une vision de désolation… Voilà ce qui me frappe au bout de 8 kilomètres dans la forêt. Tout se ressemble désormais. Tout est gris.

La pluie se met à tomber, comme les lignes verticales sur la carte. Mon dos commence à se contracter, les genoux à se défiler. L’écart de hauteur entre mes jambes se fait plus marqué, je peine à marcher droit. L’humidité me glace toute entière.
Consolation: c’est pas avec cette humidité qu’on foutrait le feu à tous ces bâtons. Parfois, on a l’impression que tout crame avec le 10 de bâtons. Ça n’arrivera pas cette fois.

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4 ans de tarot

24 mars 2016. Mon Wild Unknown Tarot vient d’arriver de Little Red Tarot. Il m’attrape par le cœur, les tripes, la peau, l’âme. Je suis comblée. Je suis envoûtée. Il faut que j’achète immédiatement le Alternative Tarot Course de Beth et que je me mette à étudier. Je le sais.

Je suis une étudiante. Je suis une débutante. Mes yeux sont grand ouverts. Je vois dans l’obscurité. Je distingue avec acuité ce qui n’était alors que formes, traces, flashs, morceaux. Je verrai. Je serai une étudiante. Je ne cesserai jamais d’être une étudiante du tarot. Je ne cesserai pas d’ajuster ma vision de hibou. J’irai chasser avec les hiboux.

24 mars 2016. Ça vient à peine de commencer. La Fille d’épées sera une carte emblématique la première fois qu’on me lira les cartes. Mes souvenirs se déploieront. J’apprendrai à ne pas utiliser mes ailes pour (re)visiter le passé à volonté. J’apprendrai qu’il y a des choses qui souhaitent pas être dérangées. J’apprendrai à respecter les limites – les miennes comme les leurs. Lire la suite « 4 ans de tarot »

C’est quoi être une sorcière?

Ma réponse à « C’est quoi pour vous être sorcière ? », une des questions posées le 16 novembre lors de la rencontre « sorcières et militance » organisée par charliequeen.org à Le Vecteur.

Sorcière, c’est un mot puissant (au moins autant qu’il est frustrant et fuyant) parce qu’il est polysémique. En raison de ses multiples sens, qui se confirment aussi historiquement, il est impossible de donner une définition définitive et générale de la sorcière. Cette fluidité qui fait que le mot nous échappe parfois est aussi ce qui en fait l’intérêt.

Pour élaborer une définition toute personnelle, informée autant par ma spiritualité que par mon parcours féministe…

Si je dois choisir des termes précis pour définir mes convictions et ma pratique, je dirais que je suis païenne, sensible aux mondes invisibles, intéressée par les pratiques liminales, avec un penchant pour le polythéisme. Si je réalise des charmes et des rituels, ce n’est régulièrement.
Je tire les cartes d’une façon intuitive et divinatoire. Je ne lis pas particulièrement l’avenir, mais j’utilise ce support pour accéder, avec le consentement de quelqu’un, à des informations auxquelles je n’accéderais pas dans mon état « normal ». Pour ça, j’active « les clairs » et je travaille avec ce que j’appelle « les guides ». Je me suis formée et j’ai beaucoup pratiqué pour ça. Mais je n’ai pas été initiée à la sorcellerie ou à la cartomancie au sens traditionnel du terme qui semble encore à ce jour impératif pour certain-e-s. Je n’ai pas la discipline de certaines sorcières. Je fais mon petit bonhomme de chemin assez éclectique dans tout ça.
Je dois dire que le terme sorcière, d’un point de vue spirituel, ne m’est pas utile en soi par rapport à d’autres comme païenne.

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En fait, à la réflexion, sorcière, pour moi, c’est ce qui fait le lien entre tous ces éléments d’une part et de l’autre le féminisme ou la militance plus largement. Comme un chaînon manquant.

Tout d’abord, ça crée un lien entre ma pratique et d’autres pratiques:

– je travaille avec Hécate, la reine des sorcières, parmi ses nombreux titres.

– Je m’intéresse à l’héritage de la chasse aux sorcières, même si ce féminicide visait avant tout des femmes et des personnes au genre déviant de la norme, et pas des sorcières.

-Sorcière historique parce qu’en travaillant avec l’invisible, j’accède à des contenus, des informations qui me viennent de l’époque. Et sans doute parce que je suis historienne de formation et j’aime fouiller les histoires.

– Sorcière historique parce que les luttes féministes se sont emparées de « la sorcière » comme une figure de proue depuis les années 60. Le terme sorcière, c’est un héritage féministe vaste. C’est une volonté de continuité critique. C’est de la réflexivité dans les luttes. C’est comprendre d’où on vient. C’est partager des savoirs et des soins en résistance à l’hétérocispatriarcat, au capitalisme, au racisme et au colonialisme, etc.

– Finalement  je me retrouve avec un héritage un peu éparpillé, pas forcément cohérent et parfois épuisant. Il y a des liens, certes, mais ils sont un peu discontinus. Il y a du queer, des pointillés. Lire la suite « C’est quoi être une sorcière? »

Le Monde, retour sur 2019

wp-158117211071491799124441347500.jpgLe Monde, c’était une carte ambitieuse pour 2019. J’étais sereine en la tirant il y a un an. Elle m’a pétrie de cette sérénité. Elle m’a travaillée au corps. Elle n’a pas forcément signifié un grand bond en avant, mesurable matériellement, mais plutôt la libération qui vient avec les fins de cycle. Elle m’a appris à respirer. Elle m’a enseigné la complexité de « l’intégration », bien au-delà d’un mot-clé pour la dernière des cartes de l’Arcane Majeur.

Comme tant d’autres, c’est aussi une lame de perte, d’au revoir, de nœuds à défaire. Lire la suite « Le Monde, retour sur 2019 »

3 de vases. Communautés, solitude, transition (La Mort)

Ça fait quelques mois que je ressens la pleine lune comme un appel à la communauté, criant puissamment depuis les tréfonds de ma psyché.
Je collecte des indications sur ce que la communauté n’est pas (et surtout n’est plus) à mes yeux, ce qu’elle pourrait d’être, ce dont je crève d’envie, là où je crève de trouille.
C’est bizarre de traverser ce processus en solitaire. J’appelle d’abord les parties de moi éparpillées, qui n’ont pas voulu faire communauté. Je réponds à l’appel d’Hékate. Je tends vers une sorte de communauté cosmique.
Hier, pendant qu’on marchait dans les bois, j’ai parlé et parlé de communauté, en particulier de communauté imposée: grandir dans une petite communauté rurale qui rend claustrophobe, ne pas avoir le choix de ses ami.e.s, devoir rester quand rien ne nous connecte. J’ai expliqué la solitude intense, plus tard, dans un monde plus élargi, quand il m’était impossible d’interagir avec quiconque à part les figures qui peuplaient mon esprit, mon monde, ce que j’appelais ma folie.
Et puis, avant d’aller dormir hier soir, j’ai parcouru des mails d’il y a 8 ans. Je me suis souvenue ce que ça m’avait fait de savoir que je perdais tout, inexorablement, en termes de communauté et de repères, tout en ayant cette sensation forte, baignée dans la lumière de l’automne, arpentant les rues et les parcs, livres et carnets sous le bras, que je me libérais pour retrouver enfin ma vraie communauté (queer !). La carte de la Mort dans toute sa splendeur en somme ! Lire la suite « 3 de vases. Communautés, solitude, transition (La Mort) »

M’effondrer comme un château de cartes

C’est pas de l’art, c’est du désespoir / regarder l’écran, l’objectif, ce que je construis ?
🔀
Au fond de mon lit
Il fait trop froid ailleurs
J’ai explosé mon stock de cuillères
En me pimpant ce matin
Pour aller essayer, encore,
De comprendre pourquoi
La mutuelle me paie pas ce qu’elle me doit
J’ai pas capté
▶️
Déprimée au fond du lit
Je me sens vidée
Je me sens pitoyable d’essayer
De concilier mon anticapitalisme
Et mon besoin de reconnaissance
⏺️
Je me compare
Aux gens qui m’ont plagiée
Aux gens qui font la même chose que moi
Mais qu’on appelle des artistes, elles,
Je me demande si c’est parce que je suis grosse
Et grande gueule
Mais je veux pas tomber dans le gouffre
Qui consiste à blâmer mes positions minoritaires
Pour tout ce qui ne fonctionne pas
Alors sans doute que je ne suis
Ni artiste ni autrice
Je me compare
Je veux continuer à écrire des zines
A donner du tarot
A partager du savoir
Je veux que ce pouvoir soit accessible
Mais je regarde les éditées, les invitées
Je pense que je suis nulle
⏮️ Lire la suite « M’effondrer comme un château de cartes »

Normes corporelles: résistance et pierres d’achoppement

Il y a des domaines où la badasserie corporelle ne percole pas. Elle reste cantonnée.
A part quand il fait si chaud que la perruque me donne des malaises, je ne sors pas sans elle. Ce n’est pas que je ne me montre pas sans elle. C’est que je ne sors pas sans elle.

J’anticipe les remarques. Pour ce pan de ma vie, j’opte pour le passing de la normalité. Si je n’étais pas trichotillomane et que je n’avais pas les cheveux irrémédiablement abîmés avec le crâne exposé par endroits, peut-être que j’aurais sciemment tondu mes cheveux pour jouer le décalage avec mes jambes velues. Sauf que c’est pas le cas. Je me rappelle les remarques. Les gens qui touchent ma perruque. Les profs qui me virent d’un auditoire bondé à l’unif parce que je porte un fichu ou une casquette gavroche. Tous les autres lieux auxquels je n’ai pas pu accéder sans justifications. Les mecs qui me demandent pourquoi je choisis de me couvrir et d’être soumise, qui me harcèlent si je ne réponds pas. Ces derniers exemples sont clairement des retombées du racisme/sexisme à l’égard des femmes voilées (vers 2004). En tant que femme blanche, ce que j’ai vécu est minime. Lire la suite « Normes corporelles: résistance et pierres d’achoppement »

7 de pentacles et 4 de bâtons. Cartomancienne

J’avais décidé de prendre du recul avec les lectures de cartes. J’avais choisi de privilégier l’écriture et la création de contenu autour du tarot. J’avais besoin de me connecter aux cartes. A mes guides et à mon intuition, sans pression. Mais aussi de passer le cap d’une profonde remise en question, d’une fatigue chronique exacerbée, d’un stress post-traumatique omniprésent. C’était il y a un an disons. Lire la suite « 7 de pentacles et 4 de bâtons. Cartomancienne »

Les 9 ans de ma robe moulante et de mon dernier régime

J’ai découvert les photos de ma fête d’anniversaire. J’ai détesté mon double menton. C’est comme ça que j’ai entamé mon dernier régime.

J’étais fière de cette robe. Mon corps moulé par son drapé me paraissait si sexy. C’était ma première fois en robe moulante. Depuis plus de 10 ans, je ne sortais pas sans masquer le haut de mes bras, dissimulant ainsi mes cicatrices d’automatisation et leur grosseur. Je maîtrisais donc la parade : un gilet complétait ma tenue.

Je me suis amusée. J’ai ri à gorge déployée. J’ai posé pour les photos. Je me sentais bien et épanouie. Ça ne m’arrivait pas tous les jours. Ce jour de mes 26 ans, j’étais euphorique et, surtout, certaine qu’aucune phase dépressive ne m’attendait pas au tournant. Je commençais à me sentir bien dans mon corps. Mes nouveaux neuroleptiques n’avaient – enfin ! – pas la prise de poids comme effets secondaires. Quel soulagement ! Ils me cassaient moins. J’avais envie de m’ouvrir au monde.

Les fameuses photos:

 

Cependant, quand j’ai découvert les photos, j’ai détesté mon double menton et j’ai voulu maigrir. J’étais dégoûtée de moi-même. J’ai d’abord affiné mes arguments: je ne pouvais pas être en paix avec mon corps si j’avais un double menton ; on m’avait toujours dit que mon joli visage sauvait mon immonde grosseur, qu’allais-je devenir si la graisse se mettait à le déformer ; il fallait que je fasse attention à ma santé, même si j’étais en parfaite santé, parce que l’obésité ne pouvait que me mener à l’infirmité que je redoutais tant (comme tou.te.s les valides).

J’avais souvent fait des régimes. J’étais confiante. On perd généralement 5 kg le premier mois, c’est tellement grisant qu’on en oublie les malaises, Lire la suite « Les 9 ans de ma robe moulante et de mon dernier régime »

La Force en forêt

img_20190624_231549_9036169396659155635483.jpgJ’ai peur de la forêt. Je suis une enfant des plaines. J’ai peur en forêt. Quand je rentre dans le bois, j’ai le cœur qui palpite. Et les poignets. J’ai le souffle court. Je marche vite. Je cherche la solitude. Je la redoute. Je hâte encore le pas. Je cherche une route qui aurait dû sens. Ce sont toutes les mêmes. (mes doigts ont tapé « toutes les mains », comme celles suspendues aux arbres des forêt dans mes crises d’angoisse avant…).

Seuls les sureaux semblent différents. Chaque arche. Chaque fleur. Comme un passage autant qu’un sanctuaire. Alors je me hâte, espérant trouver celui auprès duquel je pourrai me poser. J’ai peur. Je maudis les gens que je croise de ne pas me laisser profiter de la quiétude. Je panique dès que je me sens trop isolée. La forêt est menaçante. Je ne parle pas son langage. Je ne la laisse pas me l’apprendre. Les musaraignes me guettent. Je sursaute au moindre froissement de feuille. Je suis sur le qui-vive. Lire la suite « La Force en forêt »