Autour de la Tempérance. Détours.

Coincée entre la Mort, le Diable, l’Arcane de la Tempérance constitue autant un répit bienvenu qu’un miroir aux alouettes.

Il y a 3 ans, j’ai failli me faire tatouer l’ange de la Tempérance de Niki de Saint-Phalle sur le bras. Ce rappel d’un équilibre précaire aurait enchanté mes bras striés de cicatrices. Je pensais à toutes les années que j’avais passées tiraillée entre euphorie et dépression. Je songeais à l’alchimie des larmes que j’avais versées pendant plusieurs mois en trouvant un peu d’équilibre : la joie d’avoir survécu, le soulagement de vivre -enfin- et non plus de m’accrocher à une vie que je souhaitais quitter. Les mêmes larmes de joie quelques années plus tard dans l’extase de la rencontre de Rose. La Tempérance signifiait tout ça.

Elle a mauvaise presse, la Tempérance, trop posée, trop apaisée, trop simple. A 27 ans, je pleurais avec la Tempérance, acclamant le nouveau jour qui se levait. Le club des 27 ne serait pas pour moi. Après 15 ans de pensées ou d’actes suicidaires, je me révélais à moi-même. Alors, trop apaisée, franchement, pourquoi pas ? Elle n’est pas très rock’n’roll, la Tempérance, mais c’était le juste rappel que la vie ne tient qu’à un fil. Le rappel qu’il est compliqué de se trouver, de respirer en harmonie avec soi-même. Pour certain-e-s d’entre nous en tout cas.

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Le Diable, l’Oppression, lae tyran en toi

Au niveau structurel, les lignes de fracture sont nettes, apparentes. Au niveau personnel, il y a plus de nuances évidemment. Le Diable te demande d’analyser tes processus d’empowerment.

Quand tu cherches à reprendre un pouvoir bien mérité dans ton existence, quand finis-tu par exercer du pouvoir sur d’autres — via la manipulation, l’emprise ou, plus communément, la guidance, le conseil, le soutien un peu trop orienté ? Quand le souci de briser les barreaux, de faire péter tes verrous et d’éprouver la liberté te mène-t-il à des comportements de petit.e tyran ? Quand deviens-tu avide de contrôle ? Ou épris.e de vérité au point de ne plus faire preuve de (auto)réflexivité ?

En dépit de tous nos efforts pour le démanteler, on reste, pour l’heure, dans le système. On est biberonné.e.s à ses règles. On les prolonge. Elles sont des extensions de nous, comme nos téléphones. On les ingère. On les régurgite. Lire la suite « Le Diable, l’Oppression, lae tyran en toi »

Les 9 ans de ma robe moulante et de mon dernier régime

J’ai découvert les photos de ma fête d’anniversaire. J’ai détesté mon double menton. C’est comme ça que j’ai entamé mon dernier régime.

J’étais fière de cette robe. Mon corps moulé par son drapé me paraissait si sexy. C’était ma première fois en robe moulante. Depuis plus de 10 ans, je ne sortais pas sans masquer le haut de mes bras, dissimulant ainsi mes cicatrices d’automatisation et leur grosseur. Je maîtrisais donc la parade : un gilet complétait ma tenue.

Je me suis amusée. J’ai ri à gorge déployée. J’ai posé pour les photos. Je me sentais bien et épanouie. Ça ne m’arrivait pas tous les jours. Ce jour de mes 26 ans, j’étais euphorique et, surtout, certaine qu’aucune phase dépressive ne m’attendait pas au tournant. Je commençais à me sentir bien dans mon corps. Mes nouveaux neuroleptiques n’avaient – enfin ! – pas la prise de poids comme effets secondaires. Quel soulagement ! Ils me cassaient moins. J’avais envie de m’ouvrir au monde.

Les fameuses photos:

 

Cependant, quand j’ai découvert les photos, j’ai détesté mon double menton et j’ai voulu maigrir. J’étais dégoûtée de moi-même. J’ai d’abord affiné mes arguments: je ne pouvais pas être en paix avec mon corps si j’avais un double menton ; on m’avait toujours dit que mon joli visage sauvait mon immonde grosseur, qu’allais-je devenir si la graisse se mettait à le déformer ; il fallait que je fasse attention à ma santé, même si j’étais en parfaite santé, parce que l’obésité ne pouvait que me mener à l’infirmité que je redoutais tant (comme tou.te.s les valides).

J’avais souvent fait des régimes. J’étais confiante. On perd généralement 5 kg le premier mois, c’est tellement grisant qu’on en oublie les malaises, Lire la suite « Les 9 ans de ma robe moulante et de mon dernier régime »

L’Ermite et ses cuillères

Comme beaucoup de malades chroniques, je considère l’été comme mes mois d’ermite. Ce rythme plus lent et ce retirement peuvent nous apprendre à suivre notre lanterne à travers les méandres de nos angoisses, de nos aspirations et de notre soif de sens. C’est dur. La douleur et l’épuisement nous vident. Mais cette canne est solide.

Où sommes-nous?

Préambule : Les personnes considérées comme « « obèses » » constituent un cinquième de la population par ici.

Où sommes-nous ?
Je tente de me frotter les yeux
Émergeant d’un cauchemar
Je n’y parviens pas
Dos courbaturé
Je tends la main dans le vide
Où sommes-nous ?
Le vide ne répond pas

Je t’ai cherchée partout
Dans les livres d’abord
Scolaire et isolée
Je t’ai cherchée sur les scènes
Je t’ai cherchée dans les réunions
J’ai zappé à en dézinguer la zappette
Tu n’es pas venue

Où es-tu ?
Tu es le spectre qui me taraude
Ton existence conditionne la mienne
Je t’ai aperçue
Imprimée sur les pages
Par les fantasmes d’une autre
Déformée sur l’écran
Pantin à la merci des campagnes de haine
Ce n’était pas toi
J’aurais dû m’en douter
Mais je me suis retrouvée piégée
Je te l’avoue
Je me suis laissée piégée à force de silence

Tu es devenue ce qu’il fallait que tu sois
La grosse marrante
La grosse avec de l’auto-dérision
La grosse au beau visage
La grosse qui s’excuse perpétuellement

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Grossir le tarot / Un monde anti-gros-ses

Après avoir tenté de comprendre le queer puis ses enjeux pour le tarot, penchons-nous sur la grosseur et sur la grossophobie.

L’analyse de tarots et d’oracles pour les articles ultérieurs de Grossir le tarot me contraindra à définir la grosseur très largement car la plupart des jeux ne propose pas aucune représentation de personne grosse. Certains se contentent d’intégrer une poignée personnages vaguement moins élancés que les autres. S’il ne saurait s’agir de représentations diverses, l’observation des cartes assignées aux personnages plus larges que le personnage standard nous informera malgré tout sur l’utilisation symbolique des corpulences hors-normes. Comme on le verra, à défaut d’alternatives dans ces jeux, j’ai souvent dû me résoudre à étudier des exemples « non-maigres » dans mon analyse de la grosseur dans le tarot.

Préalablement à l’étude de ces exemples, il nous faut interroger l’invisibilisation généralisée des gros-ses. Je te propose donc d’enquêter sur l’éventail de représentations limité – quand ce n’est pas une absence totale – pour une partie pourtant non négligeable de la population.

Terminologie

Mais avant tout: qu’est-ce que j’entends par grosseur ? Je n’utilise pas de termes médicaux. Je ne veux pas de termes qui rendent une « norme » implicite, estimant que certaines corpulences sont pathologiques. Pas de surpoids, de surcharge pondérale ni d’obésité ici. Pas de ces termes qui relèvent de l’arsenal de l’oppression des gros-ses. Pas non plus de ronde, pulpeuse, bien en chair, fort-e. Outre leurs aspects fortement genrés, ces mots agissent comme des euphémismes, comme s’il y avait quelque chose à atténuer ou à embellir. Nos réalités peuvent se passer de ces détours, en particulier dans un essai politique.

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Peut-être que ça sonne bizarre : gros, grosse, grosseur. Mais, eh, gros, c’est pas une insulte ce truc ? Bein si, on l’utilise comme tel. Et ça en dit long sur la perception de la grosseur, qu’un mot descriptif soit perçu comme injurieux et honteux. Encore une fois, cela n’opère que pour ce qui est stigmatisé. Les mots mince, blanc-he ou hétéro ne sont jamais devenus des insultes largement adoptées à un niveau structurel. Ces catégories sociales ne sont pas discriminées de façon systémique. Dans la lignée de 50 années de militantisme gros, de fat activism, on peut renverser le rapport de pouvoir, au niveau du langage, en insufflant à « gros-se » de la puissance plutôt que de la honte.

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Grossir le tarot / le corps gros de la sorcière: libérer La Magicien-ne et La Lune

Traduction et lecture d’un article publié sur Little Red Tarot dans le cadre de ma chronique Fat Tarot.

Avec les photos de Alice Impellizzeri et le tarot de Gulliver et celui conçu par Niki de Saint Phalle.

Lien direct: soundcloud.com/user-66243636/le-corps-gros-de-la-sorciere

 

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