Extrait de mon journal. Juin 2024.
Je suis épuisée. Tout me coûte. Tant d’efforts. Est-ce à cause du SED que je suis redevenue étudiante / valet / page? Pas que ce soit une mauvaise chose… Avant, quand j’étais coordinatrice d’une association et militante dans des collectifs, ou du moins pendant quelques années tandis que je portais ces casquettes, j’étais une experte sur certaines questions, capable d’informer, d’expliquer, de sensibiliser. Maintenant, je bidouille avec tous les sujets qui m’intéressent. Je ne me sens pas novatrice. Juste bordélique. Je crois que c’est ok. Je ne crois pas être destinée à être une pionnière, quelqu’une qui articule, une personne qui comprend plein de choses. Les brouillards cérébraux m’ont apporté l’humilité. Les idées partent aussi vite qu’elles sont arrivées et je n’en fais pas grand-chose.
Tout n’est pas fini pour autant. Qui sait? Peut-être que je commence mes “initiations” à zéro dans plein de domaines et que je finirai par être une visionnaire. Par être claire. Par… (je suis interrompue)



J’ai changé d’échelle. J’arrive à un niveau que je ne connaissais pas et auquel je suis bien moins importante. Le niveau du territoire.
Je me remémore ces discussions d’il y a 10 ans. Sur les micropolitiques, tout ce bazar. Et les groupes de parole. On était dénigré.es par celleux qui jugeaient nos activités de proximité et de rassemblement pas assez révolutionnaires. Pourtant, nos activités dans nos petits collectifs ont généré de la transformation radicale à leur niveau. Je n’ai jamais été à l’aise avec les échelles trop larges, trop englobantes, trop généralisantes et surtout étouffantes.
Se focaliser sur le local comme niveau d’action, de changement, de connexion, ça bouscule profondément ta perspective. Tu ne peux pas rester dans la théorie. Ni dans le défaitisme. Tu dois impérativement appliquer. Et t’appliquer. Dans une économie de l’attention (whatever that means), c’est un changement d’échelle et de rythme radical. Tu ne te fermes pas parce que tu n’es pas constamment en train de scroller et de réagir.
Plus tu zoomes pour agrandir, plus tu…
Non, tu ne zoomes pas en fait, c’est pas ça: tu reviens, tu habites, tu appuies sur pause, tu te poses, tu t’enracines…
Donc, plus tu limites ta perception à un espace (et dans une certaine mesure au temps présent), plus le champ de ta perception augmente. Tu ne peux pas écouter la rivière sans apprendre à connaître ses oiseaux (et d’où ils viennent et où ils vont et comment ils se sentent), ses méandres (et l’histoire industrielle et sociale de ses ruisseaux et l’histoire capitaliste de sa canalisation, y compris son impact démographique et sur la biodiversité et sur la vulnérabilité aux inondations), et aussi les sources qui la nourrissent (leur folklore, leur exploitation, comment elles se sont tues, comment elles résistent) et le temps géologique de sa création et… et… Tout est enchevêtré. Si tu prétends faire la connaissance de quoi que ce soit, tu dois aussi rencontrer aussi ses connexions. Il faut accepter ce défi sans toutefois aspirer à l’exhaustivité qui reviendrait à réduire, à capturer, à figer. Le défi. Comment te positionnes-tu? Est-ce seulement possible de se positionner? Dans ces imbrications mouvantes…

Est-ce que je m’éloigne d’autres liens à mesure que je me rapproche d’ici? Est-ce que je prends des risques inconsidérés étant donné nos conditions de vie précaires? Ou, au contraire, est-ce que mes racines me sécurisent?
Autant de questions auxquelles je n’ai pas eu à répondre car je n’ai pas eu le choix. Je suis ici parce que c’est vital. C’est tout. Je m’engage auprès du/des Lieux parce qu’ils me le demandent. C’est tout.
Il y a un an (et un jour), je me réveillais un matin de fin de canicule en proclamant: “j’irais bien à Lessines aujourd’hui!” Avant de regarder cet endroit comme un futur possible. Deux mois plus tard, on s’installait à moins de 10 km de là.
Je n’ai pas pu résister à l’appel du lieu, de la région, de son hospitalité. Parce que cet appel venait aussi du plus profond de moi. Comme une résonance ancestrale – ou magnétique – ou rhizomique –
du plus profond de moi
et aussi d’un ailleurs
topo-graphies
empreintes
marquages
En fond d’apprentissage au moment où j’ai pris ces notes dans mon journal: Wisdoms of Water sur Advaya.
