Fems.
Il n’y a pas une, mais des définitions
Il n’y a pas une, mais des histoires
Il y a des intersections, des créations, des nœuds, pas des abolitions
Des suspensions
Il y a un nom, des synonymes, des appropriations, des mots qui sonnent creux
Il y a des mots qui résonnent, des envies qui font mouche, des exclusions qui rapprochent.
Il n’y a pas une mais des définitions
Qu’est-ce qu’un-e fem ? Les sourcils froncent. Les bouches se tortillent (peut-être que des butchs aussi, qui sait ?).
Fem, en ce moment, c’est un raccourci facile pour « féministe », non ? Les « rad fems », la frange du féminisme radical la plus opposée aux travailleuses du sexe et aux personnes trans, ont peut-être lancé la mode. Ces derniers mois, plus un événement féministe qui n’utilise « fem ».
« Femme » en anglais, c’est pas la même chose que « woman » ? ça se prononce « fem » ou « fâm » ?
« Fem », j’connais pas… ça sonne bizarre.
Les fems sont des mutant-e-s. Ce sont des licornes. Des créatures mythiques entourées de mystère, poursuivies par les rumeurs, méconnues ou inconnues. Les fems n’existent pas assez pour qu’on y songe lorsqu’on utilise à tout va « fem » à la place de féministe. Trop fluides pour être cernées. Trop cryptiques pour être décodées.
Les fems sont des mutant-e-s en mal d’histoire. En peine de communauté.
Des voyageuses entre les mondes.
Des ombres qui dégoulinent des encres qui dessinent des histoires qui ne s’ancrent pas.
Les amitiés fems (les femitiés), les amours fems, la baise entre fems tirent leur puissance des silences
Des manques et de l’imaginaire qui s’enroulent dans leurs mystères.
Il y a autant de définitions de « fem » qu’il y a de fems.
Fois dix mille.
Il y a autant de définitions qu’il y a de journées dans la vie d’une fem.
Il y a autant de définitions qu’il y a d’intersections.
Il n’y a pas de définition.
Il y a du collectif et des individu-e-s.
Il y a nos narrations, nos privilèges, nos traumas, nos réappropriations, nos tâtonnements, NOS DESIRS, nos (a)sexualités, nos genres, nos positions, les coups différenciés des systèmes de pouvoir, nos positionnements.
Il y a la solidarité.
Un fil rouge, d’autres roses, des ruptures, des baumes, des sortilèges.
Lasse.
L’isolement des fems.
L’incompréhension.
Il y a des intersections, des créations, des nœuds
Fem. Pour certain-e-s, c’est le look. La sape. Le maintien. L’attrait du maquillage, des talons, des robes. Pour certain-e-s. Parfois, on les appelle les « high fem(me)s ». Pour certain-e-s, fems, ce sont des attributs traditionnellement féminins appropriés et utilisés en toute conscience, avec excès, avec un soupçon de parodie, ou juste comme ça. Pour certain-e-s, fem, c’est principalement une question d’expression de genre.
Fem comme un travail sur la fem-inité qui n’a rien à voir avec l’apparence, c’est lae fem qui investit des champs traditionnellement considérés comme « du travail de femme », donc peu valorisé et donc souvent gratuit ou sous-payé. En embrassant ces champs, les fems les subliment, sans idéalisme, sans se leurrer sur leur lourde charge symbolique et financière. Yels sont infirmières, sorcières, travailleuses du sexe. Yels investissent le care, l’écoute, la tendresse radicale. Yels accueillent les émotions. Yels soignent le collectif. Yels épaulent. Yels embrassent et yels sapent. Yels changent.
Les fems de la performance jouent sur les décalages et la mise en scène. Leurs fringues quotidiennes et/ou leurs performances artistiques en font des drag queens. La parodie leur est confortable. Eulles dissèquent la « féminité » qu’on est enclin-e-s à présenter comme une essence. Eulles en extraient des excréments et des parfums et elles les vaporisent. A coup de spray, eulles les pulvérisent. Reconfigurée, la féminité devient absurde. Trop exagérée pour être honnête. Trop sale pour être respectable. L’essence n’est plus. Elle n’a jamais été. Les fems de la performance se jouent de la féminité avec ironie. Pas dupes, eulles en font aussi les frais. Eulles paient le prix de leur arrogance balancée à la face de l’hétérocispatriarcat. Eulles l’accueillent avec un rictus. Un sourire de bonne femme, une bouche déformée de martyr, une note de prima donna, un hurlement de louve. Eulles n’arrachent pas leur masque ; eulles le laissent se fissurer, dans un éclat de rire digne des pires méchantes des contes. Eulles sont douces et trash. Eulles sont belles et monstrueuses. Freaks. Fems.
Les éléments disparates qui font et défont les fems, qu’ils s’emmêlent ou se délient…
Extrait de mon zine Fems!? à consulter ici: Fems-cathou-zine-jui2018corr