Le Valet d’épées

Un recueil de quelques textes.

La curiosité de la Page d’épée

La pensée fend la brume. Je me saisis de mes idées acérées. Je perce l’ignorance. J’ouvre la conscience. Je manipule les outils de la pensée critique pour analyser ce que j’observe sans crédulité. 

Je teste ce que je lis à l’épreuve des faits, d’un raisonnement, d’une méthodologie. Je n’écarte aucune hypothèse. Je m’offre le plaisir de les décrypter. Je dissèque la pensée.

Je fends le brouillard cérébral qui me guette à force de trop fonctionner. 

Je traite les informations. Je trie les données. 

Ma curiosité est communicative. J’embarque mes proches dans mes pérégrinations intellectuelles. 

Je compose des récits rocambolesques pour leur transmettre mes intérêts. 

J’en viens à fabuler s’il le faut. Une fois passée l’épreuve de la critique, les informations peuvent être reconfigurées pour nourrir des histoires, des utopies.

Mes idées sont au service du changement en fin de compte. 

Mettre en garde la Page d’épée

Attention aux commérages! Est-ce que tes communications peuvent être dommageables pour autrui? Même si le tourbillon du partage d’information t’emporte, prends garde à ne pas divulguer ce qui pourrait affecter des personnes qui ne t’ont rien demandé du tout. Tes bonnes intentions sont susceptibles de retourner contre d’autres ou contre toi-même. Non, non, non, tout ne fait pas une bonne anecdote. 

De même, attention à ce que tes centres d’intérêt multiples ne se diluent pas dans le fouillis de ta curiosité au point que tu n’arrives plus à focaliser ton attention sur quoi que ce soit. Fais le tri avant d’ouvrir tout canal d’information. Certains robinets peuvent rester fermés. Ta soif de connaissance doit-elle être assouvie coûte que coûte?

Ecrire avec le Page d’épées

Pour commencer, il faut réapprendre à écrire. Pour ce faire, il faut accepter de se laisser guider par le feutre, le flux, le message. 

qu’il me transporte, qu’il me transporte. 

Que la magie opère. Que nous co-créons. Co-crayons.

La plume dans la main de la Page d’épées: laisser les histoires nous traverser. Toutes. Et que les mots n’aient pas besoin de propriétaires. Que l’autrice soit au service. Qu’elle ne soit pas détentrice. 

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9 d’eau. Être en vie.


Toutes les larmes versées
Toutes les tisanes concoctées
Toutes les sécheresses endurées
Et les tempêtes traversées

Aucune leçon
Bien des frissons
Nulle revanche
Quand on émerge d’une avalanche

Un entêtant « j’ai survécu »
Suivi d’une oraison
Pour cette mort que je n’ai pas vaincue
Pour ces mort.e.s dont
Rien ne me distingue qu’une
Vague chance, un « waw j’ai du cul »

Et puis quoi? Réapprendre
A vivre
Se recréer de tendres
Rêves
De toutes mes forces, tendre
Vers ces rives
Et puis me détendre
C’est la trêve

Le 9 d’eau. Se chercher des envies.


Avec le Tarot Souverain.es d’Emmanuel.le Fontaine et la sauge de l’abbaye de la cambre un jour d’automne.

10 d’épées. The Truth is in the Dirt

J’ai caché mes yeux derrière les tiens.
Que ton corps fasse barrage au soleil!
J’ai caché mes blessures à l’abri de la lumière
Pour priver ma peur de la vitamine D dont elle a besoin pour se réparer.

J’ai voulu me mirer et me mirer encore dans les ombres: qu’elles aspirent toutes mes couleurs
qu’elles me rendent ce qui est mieux

Le néant

J’ai appelé le néant de mes vœux. J’ai voulu lui donner ma vie.

J’ai voulu vivre où tout aspire la vie. En attendant la mort.
J’ai prétendu n’exister que terrée dans les grottes.
A moitié mousse, à moitié crotte.

Mélange des réjections des chouettes, de la pisse des ours et des traînées gluantes des vers

J’ai vécu les histoires des rêves
les visions des sorcières
l’amnésie des traumas

Je n’ai pu être moi. Sans les morceaux de mémoire que j’avais enterrés, comment être?
Comment être moi?

J’ai caché mes yeux dans la cage thoracique de la louve.

J’ai suspendu mes boyaux aux stalactites.

Comment être moi? J’en ai avalé des couleuvres, en quête d’un récit qui me ramènerait à moi-même. Des vertes, des translucides et leurs mues.
J’en ai chéri, des hallucinations censées rétablir un soupçon de sens. J’en ai enlacé, des illusions.
J’en ai lacéré des peaux! J’en ai léché des plaies! Je me suis abreuvée de mes lamentations pour les transmuter en sérum de vérité.

J’ai tenté de m’extraire.

Le néant.

Dans les étreintes de la mère-louve, j’ai étouffé mon désespoir. J’ai suffoqué sous sa garde.
J’ai mâchouillé du lichen, transformant ses extraits en potions abortives afin de condamner mes renaissances. J’ai agrippé la pierre en me tordant de douleur, en maudissant mon destin, l’impossible renouvellement.

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L’errance hivernale

Un texte écrit/canalisé l’année passée m’est venu à l’esprit en commençant à rédiger ma première newsletter.

Son partage (brut, comme il est sorti en écriture automatique) est aussi un prétexte pour t’inviter à rejoindre mes courriers, ça se passe par ici.

Chandeleur… Avec Cérès/Déméter

2 février 2021

Le chant des anciennes me parvient.
Maigre consolation 

Je murmure ton nom comme on enchaîne les soupirs.
A peine intelligibles.
J’ai oublié ton nom, mais pas de te chercher.

L’absence est gravée dans ma mémoire
Dans mes articulations
Elle est mon devoir

Chercher, chercher et chercher encore

Le chant des anciennes, je l’identifie
Je n’ai plus de contact
Je n’ai pas de véhicule pour la traversée
Mais je les entends
Je sais qu’elles sont là

Ainsi, je poursuis

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Le Soleil. briller briller briller

Le vent dans les poils
Le cœur dans les étoiles
Je suis aux éléments
Nous nous fondons
Les artifices ne mentent
Plus, non

Ils complémentent

Entièr.e et poussière
En miette et dans la lumière
Je suis dans un rêve
Nous sommes nu.e.s sur scène
On lit la joie sur nos lèvres
Obscènes

Notre démesure sur-mesure

Délicieusement éhonté.e.s
Impeccablement hanté.e.s
Savoureusement sans filtre
J’ai versé les reflets, les libations
J’ai goûté au philtre
De la passion

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Au croisement. L’instant avant 2022.

Je me glisse dans la fente entre les âges, terreuse et cuivrée. Je traîne mes doigts le long de ses parois lubrifiées comme des lèvres humides. Elle me laisse me faufiler.

Tout frissonne de désir
d’anticipation
de craintes.

L’air devient tranchant, la respiration difficile. Retenir mon souffle. Freiner l’avancée. 

Sur le seuil, il faut s’exécuter. Des offrandes font office de sacrifice. Ici, donner ce qui m’était cher. Sur le seuil, je dois abandonner ce qui entraverait mon voyage.
L’offrir au passage. 

Je suspends les médailles dont je pourrais m’enorgueillir. Je contemple ces victoires dont je me détache. Leurs reflets éclairent mon regard.
Miroirs des possibilités. 
Je conserve la fierté, non l’orgueil. 
La force des étapes, le refus des destinations. 

Je m’accroupis pour creuser le sol. L’humus sert d’écrin pour mes brouillons. Je me recueille auprès de ce cercueil. Ci-gisent les pages des projets inachevés, toutes les idées qui ont eu le mérite de l’inspiration sans les serments de longévité.
Rien ne se perd. Le tintinnabulement des mobiles fraîchement accrochés réveille déjà d’autres envies créatives, d’autres pistes, d’autres chapitres. 

Je manipule la matière. Je malaxe mes regrets. Je recouvre les déceptions.
Il y en aura d’autres.

Il faut que je me déleste.

Sereine survivante, je poursuis la traversée.
L’interstice entre les années, le temple de la non-linéarité, se pare de scintillements. Le bruit des vagues me régale. 

Il me reste à passer le feu purificateur. 
Il me reste à conter mes vœux aux flots prometteurs.
J’emplis mes poumons d’air frais. 
Mes pieds peuvent se reposer sur le sol ferme. 

Un instant. 

Suivre les feux d’artifice. 
Me laisser guider par les clapotis
L’initiation liminale continue.

Hekate, La Justice

On the threshold. Sur le seuil.

She guides.
But *you* hold the swords.
What are the prophecies?
What are your decisions?
She bestows the keys.
You enchant them.

L’intégrité est le curseur de ta balance
Pèse tes choix
Exalte tes vœux
Traverse les Mystères
Exauce tes voies
Transmets les torches
L’orage à la porte
Le seuil de dérobe

La Justice a une vision à 360°

Hekate’s wheel whirls
Inspiring a 360° vision
The owls never hesitate
They race in the threshold
Between day and night
Night and day

Directions

2 de disques. Visions d’orage. Célébrations des Moissons

Août 2021


Sur la pointe des pieds entre les mondes
Les chevilles embourbées dans des perspectives eschatologiques
Sur le fil des contradictions, pas d’évasion
Pas de récits, pas d’écrins pour les utopies
Décharnées
Ce corps ce monde ce corps ce monde
Réintégrer, ré-encorporer, réclaimer, réapproprier
Ces ruines
Les sucs gastriques se chargent des fruits précocement tombés L’acidité engouffre la disette la déconfiture la féconditure les offrandes écarlates Gaz succulents s’échappant d’usines désaffectées Alertes par SMS Disette Notifications rassasiées L’écorce saigne Les cosses sont vides Les coquilles les îles les îles S’étiolent S’étiolent Croupissent

Quelles déesses de la fertilité appeler? T’as raté un chapitre. Hier encore…
Un désastre. Quelles déesses de la fertilité appeler ?
Les épis pourrissent Hekate ratisse Les carnassières rappliquent
Utopies décharnées Les espoirs rapetissent
Comme neige carbonique au pistolet

Y a pas de morale à la valse du 2 de disques, c’est rien d’autre qu’une histoire d’équilibre
Pas de morale
Des coquilles en guise d’épaves, de navires, d’épaves
Ainsi va la valse du deux de disques
Récit d’équilibre La pratique pour mission
La matière la terre le corps

Une bien belle (dé)composition
L’art de flétrir Le défi de périr
Sans la dignité que le capitalisme a annihilé
L’art de flétrir Le défi
Être où ça s’écroule dans le ciment dans la cime des cèdres centenaires incendiés dans les civières
Ontologie de l’indicible Fanfares des entre-mondes dont les grondements fragmentent le ciel

On dit que la Grande Peste se caractérise par la disparition des traces écrites

Que crient les corps ? Qu’écrit l’Agonie ?

Il n’y a pas de morale, pas de positivité dégoulinante ni de défaitisme dépolitisé, juste la pratique de l’équilibre avec le 2 de disques (et peut-être des hernies discales, des lignes de faille, des fractures d’où hurlent l’Autre Monde)

voir aussi. Hymne homérique à Déméter

9 de pentacles. L’automne

Ici les cris
S’en vont flétrir sur le sol
Nourrir les pieds
Accueillir les mort.e.s

Ici le vent
Suspend son élan
Périt dans un tourbillon
Rejoint la terre

Ici la vie
Saisit par son immensité
L’opulence succombe
Les fruits défendus ravissent
Les lèvres, les lièvres

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La Grande Prêtresse. Se taire.

Se taire quand il faudrait réagir sur tout
Se mettre en retrait quand tout acte alimente la machine
De l’indignation
De l’individualisme
Et avant tout de la montée des fascismes.

Renoncer à trouver des réponses dans la frénésie des réseaux
Reculer, reculer, quitte à tomber à la renverse dans la rivière
Quitte à la laisser laver nos peurs
Emmener les résidus de la haine
Quitter à la laisser traîner la fierté dans la vase

Traite.sse.s à la cause, à toutes les causes, à la mise en scène des egos
A la performance du savoir
L’agencement de corpus
Qui défont les corps
Qui cassent les fibres
Qui désunissent les joyeuses polyphonies des désaccords

Se taire même s’il faut tout désapprendre, même s’il faut aller à l’encontre de son fonctionnement, même si on ne sait plus comment va la vie quand c’est pas à toute vitesse
Se tenir à l’endroit propice où les mondes se croisent
Se chassent
Puis finissent par s’ignorer
Sur le fil entre les Portes de l’Hadès et le Temple de la Déesse
Ici lae Prêtre.sse ouvre son cœur
Les profondeurs
Son déshonneur

Iel ne joue pas selon les règles
Iel observe, iel connecte
Iel soulève, Iel enfouie
Son équilibre est frêle
Il défie le temps

Lae Prêtre.sse nous livre les murmures

Se taire, renoncer, reculer, trahir
Accueillir les murmures
Murmurer

Ces murmures plus percutants que les hurlements
Ecouter répercuter la lame de fond
L’âme au fond

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