10 de bâtons. extinction/résilience

Edit:

Pour une version lue de ce poème, c’est à la fin de cette vidéo (suivre le chapitrage).

Extinction

Chargée du poids
Des responsabilités
Dépitée
La route s’allonge avec 
Chaque pas
Mes enjambées ramollissent

Dégoûtée des échecs qu’on me prie
D’assumer
Comme si je devais porter aussi
La culpabilité de la précarité

Ereintée
Parce qu’il faut continuer
Se battre pour se mettre à l’abri
Ratatinée
Par le mépris plus que l’effort
Égratignée, entravée par les ronces, 
Je renonce à lutter pour
la dignité, l’équité, la solidarité

Fatiguée, fatiguée

Vaincue, je ne pointe pas la triche
Les dés pipés, l’injustice

Lasse, je me débarrasse
De ma flamme

Si je croule
Sous ce fardeau
Si ma demeure faite d’allumettes
Coule
Si je prends la flotte
Et mes rêves avec moi
Et ma créativité, et ma niaque, et mes espoirs 
Mes espoirs…
Si je m’écroule
Laissez-moi

Laissez-moi
Que j’abandonne ce monde qui n’aura pas
Voulu de moi

Lâchez-moi
Lâchez-moi la grappe avec
Le courage, la ténacité
Lâchez-moi la trappe à la gueule
Laissez-moi sous les planches
Sous le plafond devenu parquet
Bouffé par la moisissure
Bousillée à l’usure
Lâchez-moi, je m’en tape
J’en m’en tape de tout ce qui est réduit en lambeau
Faute de chaleur

Ne me demandez plus jamais de briller
La défaite est là, irrévocable
Je suis défaite, je suis détruite

Résilience

De la boue. 
      La sensation d’humidité me réveille
      L’odeur de la terre me rappelle
      Mon corps se ressaisit
Lentement.
      Derrière mes paupières
      Le brouillard cérébral s’épaissit
Puis, lentement, se dissipe

Je suis en vie. Je suis en vie.

J’émerge de sous les branchages
      Lentement, douloureusement, vaillamment, 
            Je vois le jour.

Mes muscles froissés par la rosée, mes pupilles caressées par les scintillements de l’aube, 

Je vois le jour.

Les bâtons jonchent le sol, le tribut des combats que je n’ai pas gagnés, les trophées des batailles que j’ai menées. Fierté.
Je n’ai pas baissé les bras. Ni elleux avec moi. 
J’ai tenu. J’ai tenu. 
Quand l’humidité a éteint progressivement toutes mes réserves, tous mes sourires,
Quand elle a réduit à néant ce qui me procurait de la joie
            Et de la force,

Je me suis effondrée
Mon fagot dans les bras
Je me suis laissée aller à la fin de cycle 
Je me suis donnée 
Au néant

Il m’a accueillie dans sa force régénératrice
Je me suis reposée

Vaincue certes
Mais non sans gloire

Je suis retournée à la terre
Pour que l’espoir
Revienne à ma sève

J’ai laissé mes bâtons à la moisissure
Mes clés au lichen
Et ma maison à la froidure

J’ai accepté de ne pas tout sauver, de ne pas revenir intacte, de laisser les lambeaux de moi à la tourbe
(décomposition / préservation)
Je n’ai pas pleuré
Ça demandait trop d’énergie
Je me suis laissée aller
Je me suis abandonnée

Résilience

      Je suis en vie
         Je suis pleine d’envies
             Tant pis pour le bois qui ne brûlera pas

Ou tant mieux
            Bois mort, bois salvateur
            Garant des écosystèmes
            Résurrecteur de forêts

Adieu, les envies ravagées par l’humidité
Je suis envies

Je m’en vais rassembler du bois pour fabriquer une torche 
A la fin de l’hiver, je l’allumerai 
Au bûcher du feu de joie

Walmke, walmke brand

Renaît ma flamme
Revient ma joie
Reprend ma créativité

Brûle, ma rage
Ravage, mon espoir
Ravage les forteresses
Les murs qui nous coupent de nos vies
Les seigneurs qui nous arrachent à la sécurité
Ravage ce qui nous arnaque
Ravage les dominations
Allume-nous

Allume-nous!


***
Walmke, walmke brand
Zeven zakken op een dagwand
Veel koren, weinig kruid

(Met Pasen is de Vasten uit)

La flamme allumée
La disette part en fumée
On appelle le renouveau
On l’incarne, on l’active, on émerge.


Tarots: Rainbow Tarot, Queer tarot, Slow Holler Tarot, Tarot des paysages intérieurs

3 réflexions sur « 10 de bâtons. extinction/résilience »

  1. Magnifique ce texte sur le 10 de bâtons. Il éclaire et il ouvre en plus d’être poétique.
    Merci pour tout ce que tu fais pour déconstruire le tarot ! Tu donnes à penser, et ça fait du bien

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  2. Parfois je voudrais dire à quel point c’est touchant, bouleversant, « éduquant », mais j’ai l’impression que mes mots vont ternir, vont salir, vont tomber à côté. Puis d’autres fois je me questionne sur le rapport au silence, et je me dis, aller, un mot, un signe, c’est déjà quelque chose.

    Aimé par 1 personne

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