Tirage avec le 9 de pentacles et la Reine de bâtons

Un article un peu spécial aujourd’hui. J’ai retranscrit des extraits d’une de mes vidéos de tirage. On est dans le style oral et parfois un peu confus quoi. Mais voilà, si vous préférez la lecture à l’écoute: une interprétation anticapitaliste et handie du 9 de pentacles avec le soutien de la Reine de bâtons. 

Vidéo à voir sur ma chaîne: 

Thème du tirage: Le 9 de pentacles du Rainbow Tarot

Par rapport aux envies créatives qu’on n’arrive pas à réaliser car trop peu de cuillères, le 9 de pentacles vient confirmer: “tu as déjà dépensé de l’énergie dans ça, et ça, et ça ces derniers temps! Tu peux aussi profiter d’un peu d’espace”. 

C’est une carte qui nous apporte de la légitimité à apprécier être où on est, de prendre du temps pour soi (l’escargot sur la carte, le soin que la personne a apporté à sa tenue). Quelles sont diverses façons de prendre du temps, de couper le rythme productiviste du capitalisme dans lequel nous sommes toustes imprégné.es?

Cultiver le beau dans sa vie, prendre le temps de s’émerveiller, faire de la place pour l’esthétique, mais évidemment pas dans le sens normé: ce qui est beau pour nous. Et les ambiguités à cultiver cela même si on n’échappe pas à l’intériorisation des normes. 

Se faire plaisir. Se faire du bien. Ralentir. 

Le 9 de pentacles, ce moment où on se sent légitime pour le temps qu’on prend pour soi, en opposition aux pressions. Reclaim du temps, se réapproprier du temps pour quelque chose qui est à la fois exigé et dévalorisé sociétalement (exemple du maquillage). 

Ne pas « mériter » le 9 de pentacles

Le rapport au capitalisme et à la pression qu’on se met. Avec le 9, on culmine dans la suite (accomplissement). Et on voit souvent le 9 de pentacles à travers des lunettes capitalistes: “waw, t’as super bien travaillé, tu mérites cet espace à toi ou tu mérites cette pause, ces vacances, cette maison que tu peux t’acheter”. Sans s’interroger par exemple sur le privilège de classe ou le validisme qui sous-tendent ces interprétations. 

Autrement dit, le 9 de pentacles nous invite en réalité à revoir cette méritocratie insidieuse dans notre fonctionnement. A chaque fois qu’on se dit “je m’octroie cette pause ou je m’offre quelque chose parce que j’ai travaillé pour y arriver”, on fait fi du côté systémique, les rapports de domination, les oppressions qui font que “en arriver là” a été plus ou moins facile ou difficile pour nous. 

Si on enlève le 9 de pentacles de ce côté méritocratique et productiviste, on peut l’appréhender dans d’autres contextes. Par exemple, le rapport au corps, c’est ce qui s’applique le plus directement à ma situation aujourd’hui: j’ai pas mal marché ces derniers jours, j’ai pas mal de douleurs avec le SED mais je continue à faire des exercices physiques car c’est nécessaire pour moi avec le SED mais je n’arrive pas forcément à trouver, avec mes tissus fragilisés, quels sont les moments de récupération à m’accorder. Si le mouvement est tout aussi important que le repos et la récupération, comment déterminer mon équilibre? 

Pour moi, aujourd’hui, le 9 de pentacles, c’est ne pas finir ma journée avec plus de 8000 pas au compteur et me laisser vraiment récupérer. Et pour vous?

Qu’est-ce qui fait du bien aujourd’hui? Comment se l’octroyer, l’assumer, se dire qu’on mérite ce temps consacré à ce qui nous fait du bien?

Le 9 de pentacles nous invite à réfléchir ce que cela signifie de culminer (le 9) dans la matérialité, à la terre des pentacles. Pour moi, aujourd’hui, ce serait s’écouter suffisamment pour ralentir. J’adore l’escargot présent sur cette carte! C’est un de ces symboles très Waite-Smith conventionnel qui me recentre systématiquement dans l’interprétation de la carte!

Outre l’éloge de la lenteur, l’escargot insiste sur l’importance des petites choses. L’attention qu’on leur porte. En ce moment, je vois plein d’escargots. Pour cela, il faut regarder à travers les branchages, prêter attention à la texture des murs, prendre le temps. L’attention portée aux détails est aussi une spécialité du signe de la vierge associé à cette carte.

Avec le 9 de pentacles, être à l’écoute des écosystèmes dont nous faisons partie. Leur faire de la place. Ce qui peut être aussi banal que se demander comment se porte notre flore intestinale aujourd’hui. Le 9 de pentacles  = écouter notre petit jardin ou notre petit cocon, ou notre colon quoi! 😉 Ecouter les besoins des parties de notre corps qui ont besoin de récupérer, qui sont en sur-travail, qui sont inflammées.

Le piège du capitalisme, c’est de nous faire penser qu’on doit avoir mérité le droit de récupérer. C’est de penser cette carte de culmination dans la suite des pentacles comme une carte de mérite.

Le soin, le temps de soin comme un droit, quelque chose que tout le monde est intrinsèquement légitime à recevoir, qu’il n’y a pas à prouver ni à soi-même ni à la société qu’on mérite. 

Sortir de la méritocratie avec la Reine de bâton

Partant de ces réflexions, je tire une seconde carte: 

Sur la question du droit à la récupération et au repos sans devoir le mériter et aussi sans que ça soit forcément grandiose.

Comment sortir de la méritocratie intériorisée?

C’est la Reine de bâtons qui sort!

Être légitime

Comme toute les reines, mais avec encore plus d’emphase, la Reine de bâtons invite à être à l’aise avec notre légitimité. Avec les Reines, on n’a jamais à se dire qu’on mérite quelque chose. C’est un moment de pure radiance, surtout avec la reine de bâtons. Être éclatant.e. Être là. Et notre légitimité semble couler de source.

Elle répond à la question par un grand: “bien sûr que tu es légitime en dehors de toute méritocratie”!

Elle fait aussi partie des cartes qui nous demandent d’accorder de la valeur à ce qu’on crée et de ne pas concevoir la créativité et la création d’une façon trop limitée. C’est partout. Par opposition à la méritocratie qui implique aussi que certaines choses mériteraient d’être valorisées, de valoir de l’argent. Que certaines personnes mériteraient de gagner plus d’argent car ce qu’elles font auraient plus de valeur. 

Mais comment détermine-t-on ce qui aurait plus de valeur? Il y a des dynamiques classistes, sexistes, racistes etc qui participent à le déterminer. Les écarts salariaux en fonction de la couleur de peau, de l’orgine, du genre, des capacités physiques, de la corpulence, etc sont une réalité. Les discriminations au niveau de l’embauche et du salaire existent. La perception de la valeur sociale d’une personne est aussi influencée par différents facteurs. Par exemple, en tant que malade chronique touchant des indemnités d’invalidité, on considère fréquemment que nous n’en avons aucune.

Stigmatisation validiste et productiviste des « malades de longue durée »

En cette année électorale en Belgique, on peut aussi penser à des mesures d’exclusion sociale comme la dégressivité des allocations de chômage. Au sujet des malades de longue durée, le discours dominant, c’est que nous serions la plus grosse tare de la société. Puisque nous sommes improductifves, il faudrait nous forcer à travailler. Tant pis si on crève dans 2 ans parce qu’on aura accumulé trop de blessures ou de détresse psychique. Peu importe car ce qui compte, ce serait qu’on se tue au travail. Le travail, le seul déterminant de notre dignité. Plus que notre vie. Le travail qui déterminerait qu’on mérite notre place dans la société et d’être considéré.es comme des citoyen.nes. 

Tout ça m’affecte beaucoup en tant que malade chronique. Vous le savez, j’en parle souvent. Plus on approche des élections, plus cela me touche. Toustes les politiques s’adressent aux citoyen.nes en mode “les travailleurses”, sous-entendant que nous ne le serions pas, juste des profiteurses du système.

Cette pensée dominante occultant les rapports sociaux de pouvoir décrète que des personnes méritent plus que d’autres. Cette pensée pèse sur nos vies, sur nos conditions de vie et on l’intériorise. On a du mal à garder une estime de soi. Cette pression sociale affecte notre santé mentale. Cette stigmatisation vise à nous exclure.

La Reine de bâtons rappelle que le fait de créer au sens large, sous plein de visages  (par ex: appliquer un joli maquillage, faire à manger, créer ou réparer des vêtements,…), c’est quelque chose qu’on peut cultiver comme un rempart. On fait rempart contre la hiérarchie de ce qui serait légitime ou méritant.

Créer sans monétiser

D’ailleurs, le climat sociétal, c’est aussi que tout doit être monétiser. On a un hobby? Il faut le rentabiliser! Avec la précarité financière et la pression capitaliste, on intègre facilement cette mentalité (bein oui, si on est dans la merde…). Nos hobbies finissent par avoir de la valeur uniquement si “on en fait quelque chose”, si on les vend, si on fait des grands projets autour d’eux. C’est aussi le cas dans le domaine du tarot. Tout le domaine créatif au sens large devient quelque chose sur lequel tabler. Tout doit être rentable. 

La pression de devoir prouver que tout ce que l’on fait à de la valeur, en particulier de la valeur financière. Plus aucun domaine de nos vies ne doivent échapper au productivisme. On doit extraire de l’argent de tout. Tout le monde devient responsable de sa productivité.

La Reine de bâtons crée dans le moindre de ses gestes du quotidien et donne et irradie cette création. Point.

Par rapport aux détails, à l’infime, aux raisins et à l’escargot sur le 9 de pentacles, la Reine de bâton réhabilite tout cela. Rien n’est trop minuscule dans le domaine de la créativité. Rien n’est insignifiant. On mérite de l’appréciation pour toutes les petites choses qu’on crée, qu’on accomplit, qu’on vit. On ne la reçoit pas forcément par de la reconnaissance sociale, par les encouragements de nos proches. Dans ce cas, c’est difficile de continuer à s’accorder de l’appréciation. 

Ainsi, vis-à-vis de la création de vidéo, c’est difficile mais je tiens à donner de la valeur à ce que je fais. ça a de la valeur, j’en suis fière, ça me fait du bien, je continue à créer avec la maladie (pas malgré elle). 

Avec ce genre d’occupation, comme avec le jardinage, on peut voir ce qui pousse. Comme avec la cuisine, on voit ce qui nourrit. toutes ces petites choses comptent. 

Déjà, en tant que malade de longue durée en Belgique, alors que le mépris à notre égard va croissant, clamer que je mérite d’être en vie au lieu d’être en train de crever sur un lieu de travail est un acte de défiance. Affirmer que j’ai un corps improductif et que je mérite d’être là et que je mérite de pas taffer.

A ce propos, je recommande la vidéo suivante dans laquelle je développe un sujet qui me tenait à coeur: la résistance et l’ingouvernabilité de la reine et du roi de pentacles face au santéisme. 

Même si j’essaie de valoriser ce que je fais, avec une santé en dent de scie, il y a, il y a eu et il y aura encore des moments où je n’y arriverai pas, mais même en étant clouée au lit, je lutterai pour continuer à réclamer ma valeur.

Être artiste sans créer

La Reine de bâtons se manifeste aussi dans les posts et mémes que j’ai vu passé beaucoup récemment au sujet de la création artistique. Pour les artistes qui me suivent, ça nous rappelait que c’est pas parce qu’on n’est pas en train de créer maintenant, ou depuis des semaines, ou des mois, ou des années qu’on cesse d’être des artistes. ça vaut aussi quand la nature de notre travail évolue, quand on expérimente avec des formats ou des médiums qu’on connaît moins bien. ça vaut quand on ne récolte aucun like. ça vaut quand nos oeuvres ne se vendent pas. 

Petite note de nuance: avec les réseaux sociaux et à l’heure de la désinformation, tout le monde peut se déclarer expert.e en tout et il nous incombe aussi d’exercer notre vigilance quand des gens s’autàproclament ceci ou cela. Fin de la parenthèse. 

La Reine de bâtons veut qu’on se voit comme des artistes même si on ne crée pas, même si on ignore si on sera un jour capable de créer à nouveau. Elle veut aussi nous voir, artistes ou non, comme des créateurices, comme des personnes engagées, comme des personnes qui vibrent, qui font vibrer qui partagent. Elle veut nous voir comme cela même si pour l’instant nous n’avons pas les cuillères, les ressources ou l’argent pour créer pleinement. Elle veut qu’on considère, même dans une société prônant la méritocratie, qu’on est important.e et légitime, même lorsque notre créativité est ultra limitée. Elle nous invite à voir la créativité, même là où on ne la reconnaît pas souvent. 

Avec le 9 de pentacles et la Reine de bâtons, comme d’ailleurs avec le 6 de bâtons, on célèbre nos vies même si nos réussites ne ressemblent en rien à quelque chose de normé ou de conventionnel. Même si c’est difficile. Avec ces cartes-ci, la réponse est pour soi et en soi. La valeur qu’on s’accorde et qu’on s’autorise à célébrer, envers et contre tout et alors que la pression est énorme pour nous dévaloriser. Il ne s’agit pas d’accorder du valeur exclusivement à notre “travail”, ce qui revient souvent à du capacitisme et du mépris pour les personnes handies. 

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