J’ai croisé le monstre marin tandis que je suivais paisiblement le courant. Elle m’a arrêtée. Elle m’a saisi d’une tentacule pour me planter devant elle. Elle m’a présenté mes contradictions, mes aspirations idéalistes, mes faux-pas consuméristes, mes échappatoires, mes projections malsaines. Elle m’a présenté ces breuvages. Les illusions ont un goût amer. Elle m’a suggéré un antidote. Je me méfie des potions de Scylla. Je suis encore là, à soupeser mes options à agiter mes obsessions à faire tempêter mes déceptions dans un verre d’eau. A gaspiller faute de me poser.
Trancher ou accepter la confusion ? Décider ou prolonger le suspens ? Passer quitte à dériver vers les récifs ? Ou attendre en compagnie des monstres ? … M’allonger sur les tentacules et les laisser me bercer, me caresser, me bercer… Jusqu’à ce que je me résigne à être présente dans les eaux troubles Jusqu’à ce que je me sente sereine avec le flou.
La Page de Bâtons bouillonne. Iel se laisse emballer par l’invitation des élans créatifs: Viens jouer! Viens tester! Viens découvrir! Viens t’aventurer! Essaie! Essaie! Iel ne ressent aucune peur. Les frissons d’excitation la galvanisent. Iel veut vivre! Iel veut bouger! Iel veut découvrir!
Dès l’enfance, certaines expériences nous forcent à réprimer notre créativité. Elles continuent d’entraver notre liberté par la suite: On ne se sent pas légitime quand on veut essayer un nouveau médium, un autre instrument, une méthode. Quand on veut se laisser guider par le fun, une petite voix insiste pour qu’on “réussisse”. On se trouve ridicule quand nos instincts nous poussent à agir avec badasserie. Parfois, on est timoré.e. Pétrifié.e par les qu’en-dira-t-on. Avant tout, on est foudroyé.e par notre propre regard. Nos attentes nous pourrissent et on ne peut pas s’empêcher de se donner un objectif. On place la barre trop haut. Hors de portée. C’est comme si notre autosaboteurse intérieure se régalait à l’idée qu’on échoue. On n’arrive pas à s’exprimer en dehors de la compétition. Les vieilles brimades nous poursuivent.
Le Page de Bâtons, c’est le remède en nous! C’est l’énergie créative pure, brute, joyeuse. C’est l’amusement qui jaillit quand on explore, quand on exprime, quand on suit sa pétillance. Son époustouflance! Parce que, évidemment, la Page de Bâtons adore inventer: des mots, des chorés, des recettes,… C’est la part de nous qui ne doute pas. Et qui n’en a de toute façon strictement rien à faire d’échouer!
C’est la créativité débridée. Pour le plaisir. Parce que ça veut sortir là-maintenant-tout-de-suite. Parce qu’on a le droit à cette euphorie. A cette légèreté. A cette insouciance. Le droit au plaisir.
Tout l’attire. Tout pétille. Tout a le potentiel d’engager son attention. Tout a la capacité d’allumer sa flamme. Tout est étincelle. Iel est spittante*, vive, curieuse de tout. Ouverte. Iel est la source d’une énergie créative que rien n’assèche.
Bon… bien sûr, iel est susceptible de se disperser. Iel peut papillonner d’une idée à l’autre. Sans jamais prendre suffisamment de temps avec une d’elle pour que l’étincelle se transforme en flamme. Iel est susceptible d’être en proie à une agitation telle que son esprit ne parvient plus à faire le focus sur quoi que ce soit. Envahi.e par une fumée trop épaisse, son esprit risque de ne plus rien distinguer: ni l’étincelle, ni la flamme, ni l’incendie, ni l’extincteur,…
Pourquoi tu n’écrirais pas à un-e ami-e qui est loin, quel que soit le sens de ce mot dans le cadre de votre amitié)? Pourquoi ne pas passer du temps avec tes plantes? C’est le moment de partager. C’est le moment de prendre plaisir et de ressentir de la joie dans des activités ludiques.
Qu’est-ce qui te fait tenir ? Qui est-ce qui te soutient ? Qu’est-ce qui te maintient ? Qu’est-ce qui s’annonce ? Pourquoi est-ce aussi précieux ? Qui fait battre ton cœur ? Qu’est-ce qui t’anime ? Comment veux-tu célébrer ça ? Comment veux-tu faire avancer tout ça ? Comment te projettes-tu avec tout ça ?