A qui s’identifie-t-on et qui est relégué à sa monstruosité, confondue à sa marginalité?
Qui est le miroir? Qui est le repoussoir?
Qui pleure (avec) les corps minorisés?
Comment fait-on collectifquand on représente ce qui rebute, la frontière de l’innommable?
On hurle à l’appel d’une meute masquée par le mythe des loups solitaires.
Il y a tellement de tarots (pas ceux que je mets en avant avec leurs représentations complexes) qui illustrent La Lune avec une personne grosse. Elle doit alors symboliser ce qui est sauvage, incivilisé, indiscipliné, ne répondant pas aux attentes sociales,…
Quand elle apparaît dans le tarot, la grosseur est la volupté ou l’abondance ou la gourmandise excessive ou l’accumulation ou la sauvagerie ou la nature.
Le tarot me transperce le cœur. Cet outil m’est indispensable. Il m’aide à être pleinement présente. Avec lui, je déjoue mes pièges. Je cherche à ajuster. Avec lui, je suis dans le néant. Je me pose aux croisements quand rien n’est clair. J’emprunte des chemins quand la brume se dissipe. Je me transforme. Avec lui, je vois par-delà la poudre aux yeux. Je ne m’arrête pas aux apparences. Je suspends la rationalité cartésienne, une idéologie au service des systèmes capitalistes, racistes et sexistes. J’épouse une logique enracinée, encorporée, connectée, qui me paraît ancestrale. Je me raconte peut-être des histoires… Je raconte indubitablement des histoires avec le tarot, en réalité. C’est un compagnon conteur.
Du doute, des liens
Avec lui, je refuse d’avoir réponse à tout. Je renonce aux explications indémontables. J’observe les transformations. Je renonce à posséder et à hiérarchiser. Je m’ouvre aux conversations. Mon regard sur le monde change. Le champ de ma perception s’élargit. Les détails deviennent d’incontournables pièces au puzzle. Plus rien n’est insignifiant. Les signes foisonnent. Mes récits se reconfigurent. La vision d’ensemble porte plus loin. Elle englobe davantage. Les compréhensions se multiplient.
En compagnie du tarot, les ponts se créent. Ils se déplacent et modifient les destinations en chemin à la façon des escaliers de Poudlard. Ils se co-construisent. Les ponts se créent. Je me dévoile à moi-même, autant que les facettes d’un monde que je croyais jusque-là désenchanté. Les aller-retour entre mon être et le monde sont féconds. Ils nourrissent un courant. Le tarot se ressent au confluent de sources inépuisables. Est-ce mon intuition? Est-ce un message divin ou ancestral? Est-ce le lieu qui parle? Des sources inextricables les unes des autres. En grande partie insondables.
Langage et clivages. Tarologie vs taromancie?
Le tarot m’apporte des images et un langage auxquels je contribue en retour. En écrivant. En créant. En partageant. A chaque lecture – pour moi, pour d’autres ou plus-qu’humaines. Le tarot existe et grandit parce que nous le remplissons. Nous le nourrissons autant qu’il nous nourrit. Nous étendons l’éventail de ses significations. Nous substituons nos expériences à celles qui nous excluent du discours du et sur le tarot.
Le tarot est un langage. Ses interprétations sont infinies. Ce n’est pas une science. Le logos l’épuiserait si je m’y arrêtais. La tarologie, l’étude et l’analyse du tarot, ne forme donc qu’un aspect, en dialogue constant avec la taromancie. Dans ce domaine, les mots ne suffisent pas, à part peut-être quand ils s’agencent sous forme poétique.
La divination par le tarot est incernable. Rigueur et méthodologie la soutiennent. Ce sont des fondations qui se passent de murs. Elles ne peuvent enfermer la pratique. Il faut laisser de la place pour l’enchantement aussi mystérieux qu’il paraisse. En tant qu’humaine, je suis en effet dépourvue d’un langage complexe pour dire les courants du tarot. Il nous faut des mythes pour tenter d’expliquer la complexité de l’ “Invisible” (encore un mot réducteur). Ceulles qui s’essaient à le rationaliser échouent, imbu.e.s de leur humanité. Je vous raconte ma relation au tarot en un mélange de mythes, de poésie et d’images. Imparfaitement retranscrite, elle participe aux flux de transmission autour et avec le tarot..
Avec des figures comme La Grande Prêtresse, le tarot m’enseigne aussi la vacuité des dichotomies comme systèmes explicatifs. Aucun mur ne s’érige non plus entre la tarologie et la taromancie.
A nouveau, reformuler, tenter d’approcher, tournoyer, mélanger.
Le tarot est un art
Je ne peux que convenir qu’un jeu de tarot est un outil. Je ne peux pas m’en contenter cependant car c’est une définition ad minima. Elle ne heurtera personne. Inclusive, elle invite les récalcitrant.e.s. Mais il faut dépasser le constat. Il faut tester l’instrument. Il faut répondre à son appel. Ou bien initier la relation.
De là, le tarot est avant tout un art et, par extension, un portail. Sa pratique est mouvante. Multiple. En expansion. Dans le même mouvement qui nous ramène au présent, en ce lieu, à nos corporalité, il se déploie. Il ramène. Il essaime. Il rassemble. Il emmène.
En tant qu’art, il s’appuie sur l’expérience, sur des dosages et sur des réajustements. Il se développe à mesure que nous co-créons. Rien ne peut le contenir (même s’il peut jouer le rôle de récipient et contenir ce que nous lui confions).
La curiosité meut l’artiste. La créativité constitue un de ses meilleurs atouts. Le tarot est un imaginaire. Une praxis. Une fabrication. C’est la magie telle qu’elle se vit. Le tarot ne m’intéresse pas sans sa magie. Sans son pouvoir d’ouvrir et celui de contenir, il n’est rien pour moi. S’il n’est pas un portail, pourquoi existerait-il?
Ici, en vidéos et ailleurs, je veux vous transmettre la magie dont je fais l’expérience grâce au tarot. Je n’ai cependant pas l’intention de rebuter les personnes qui ne partagent pas cette conception. J’incorpore les paillettes magiques et les murmures des “autres mondes”. Je saupoudre les merveilles que le portail m’offre de ressentir. Il n’est pas nécessaire d’y goûter ni d’y adhérer. Vous pouvez rester sur le seuil et observer. Je n’impose aucune vision du tarot. Mon objectif serait plutôt de vous inspirer pour développer la vôtre en relationnant avec les cartes.
Mon tarot, votre tarot, notre tarot
Puisque rien n’est figé, je vous invite à prendre note de votre vision du tarot aujourd’hui. Si vous êtes coutumier.e de cet exercice, pourquoi ne pas plonger dans vos archives? Et, surtout, n’oubliez pas d’y revenir. Quel ravissement de prendre la mesure du chemin parcouru avec le tarot ! Quand je relis mes notes de 7 ans déjà, je réalise que l’art du tarot m’a changée. Je fais le vœu que cela continue. Pour moi, comme pour vous.
Il n’y aucune recette. Aucune ligne d’arrivée. Il y a de la transformation. Assurément. De la co-création. En ce compris avec le tarot. Comme nous, il est en perpétuel évolution. Témoin et parfois reflet de son temps, des normes, des pouvoirs en place. Témoin et parfois reflet des existences marginalisées. J’écris avec lui depuis mes marges. J’écris pour vous et pour votre anormalité. J’écris parce que le tarot est votre outil, votre art, votre portail.
Loving a tarot deck that I’m not supposed to love! What should I do?
This review is English. Pour des considérations similaires en français + une revue des aspects techniques, regarde ma vidéo de déballage du White Numen Tarot (qui existe en version française sous le nom Tarot des Divinités).
April 2021
Dear diary, I am conflicted today. After watching an unboxing ofThe White Numen Tarot, I feel drawn towards its energy. Something primal, animist and Hekatean grabbed me. Should I accept my feelings or listen to my brain?
June 2021
Here I am, holding the deck in my hands, charmed, mesmerized and a bit overwhelmed by how good it is at delivering messages. The White Numen called. I answered. Something is happening between us.
Yet, I can’t leave aside my reservations. It’s not that I enjoy nit-picking on any specific deck! It’s a broader issue! No matter how actively the tarot community engages in diversity and representation, it keeps pushing some people towards the margins.
The pathologisation of fat people is rampant. It is probably the main reason why most creators and publishers refuse to offer representation to us (and from us!). I can’t accept it though. Half of the population in my country isn’t thin! Why would they invisibilize us?
In June, everybody (especially companies) seemed to « celebrate » (not fight for though) queerness, including in the tarot industry. This wouldn’t have been possible 50 years ago. Queerness was then considered an illness, something to cure, something illegal, something to erase from our society. All of which sadly still exists. But so much has changed with regards to mainstream representation! Why is it so difficult for a similar shift to occur in the way we depict, understand and celebrate fatness?
Quand j’ai commencé cet article il y a quelques mois, j’avais envie d’un texte trop parfaitement bien étayé : des tonnes de sources, des vérifications approfondies, etc. Comme toujours, les aléas de ma santé en décident autrement. L’article ci-dessous se révèle plus brut. Il est beaucoup plus court. Comme un chantier sur lequel je reviendrai, plutôt qu’un long essai super élaboré. Le temps de la réflexion permettant à l’agacement de décanter, le projet s’est redessiné. J’ai peu retravaillé mon argumentaire. Il est plus « rond » que l’idée que j’en avais à la base.
Le Daughters of the Moon Tarot, un tarot féministe rond pionnier publié en 1984, m’a inspirée des réflexions plus libres. Après avoir créé une vidéo de présentation dans laquelle j’articule certains arguments de ce texte, j’y suis revenue, j’en ai arrondi les angles, j’ai accepté qu’il ne serait pas ce que j’avais l’ambition de partager initialement. Il est cependant un complément à la vidéo.
Sorcières et féministes, le grand écart ?
J’ai constaté un usage généralement péjoratif de « la sorcière féministe ». On la considère comme un épouvantail. Dénigrée, elle ne serait
ni un-e sorcière aux yeux des un-e-s. En effet, sa posture serait exclusivement théorique/politique tandis que seules les pratiques feraient la sorcière.
ni un-e féministe aux yeux des autres. Soit parce qu’yel aurait succombé à un phénomène de mode soit parce que le féminisme se voudrait rationaliste, anti-religions, etc.
Cette incompréhension dérive des multiples significations tant de « sorcière » que de « féministe ». Des féministes ont beau clamer depuis des décennies qu’il n’y a pas un mais des féminismes, l’anti-féminisme est tel que des collisions cognitives semblent vouées à se produire dès que quelqu’un-e s’en réclame. L’histoire de chacun de ces termes est bien plus complexe que les émois qu’ils provoquent.
Comment en vient-on à prétendre que les féministes auraient volé ou souillé une sorcellerie prétendument intemporelle alors même qu’elles ont cherché à l’historiciser (d’un point de vue purement académique ou d’un point de vue pratique) ? Comment utilise-t-n des arguments anti-capitalistes pour nier toutes les pratiques de sorcellerie qui ont existé et qui existent encore ? Pourquoi certaines féministes sont-elles aussi réticentes à intégrer les liens, qu’elles ont passé des décennies à déconstruire, entre femmes et nature ? Une fois pelées les couches de construction sociale autour des « sorcières », des « femmes, du « genre », de la « féminité », faut-il tout jeter au compost ou peut-on goûter le zeste et reconstruire ou se réapproprier (reclaim) des éléments ?
Féminismes des années 70
Pour mieux comprendre pourquoi on agite à tort le spectre de « la sorcière féministe », il faut remonter aux années 60 et 70. Se déroulent alors parallèlement deux mouvements (dont je me garderai bien d’affirmer qu’ils n’étaient pas joints par de nombreux ponts).
Proprement alignés sur l’étagère, les flacons d’une thérapie de la discipline dégagent une odeur aseptisée. Ici, tout est dans le rang. On a organisé, on a étiqueté et, surtout, on a capturé. Ici, on fait le travail du pouvoir-sur. On a discipliné le pouvoir-du-dedans. On fait correctement les poussières afin de donner le change. On referme la vitrine pour célébrer la distance. Ici, on a déterminé les limites de l’humain-e fonctionnel-le, intégrée dans le système, dans le rang, sous contrôle.
Si tu prends l’ascenseur et que tu descends, et puis que tu descends encore, et puis que tu t’aventures en dehors de ta cage de verre, tu peux sentir l’herbe sur tes orteils. Tu peux laisser le vent caresser tes poils. Tu peux écouter les messages qui circulent avec la rivière. Tu peux sentir le humus qui gronde. La terre réclame. La boue régénère. Voilà où tu laisses des offrandes. Voilà où tu sacrifies. Voilà où tu tranches. Voilà où tu meurs. Voilà où tu renais. Voilà où tout se renouvelle. Où tout cesse. Où tout (re)commence. Voilà où les flacons ne capturent rien. Où le courant des ruisseaux a raison. Où les plantes nettoient. Où les rêves s’envolent. Où les rêves s’immolent. Voilà où l’on souffre et où l’on guérit. Perpétuellement. Dans le désordre. Dans l’infini. Avec la révolution des astres. Avec la ferveur du compost. Voici où l’on partage. Voici où l’on est vulnérables. On est effroyables.
Ici, les disciplines n’ont pas étouffé notre créativité.
En lisant le chapitre « Retrouver un pouvoir personnel: la magie comme volonté » dans Rêver l’obscur de Starhawk.
Je ne cherche pas à te convaincre qu’il faut absolument lire des tonnes de bouquins ni avoir des tonnes de diplômes pour valoriser ton apprentissage du tarot. Si tu aimes les métaphores de l’astrologie: je suis gémeaux ascendant vierge, j’ai besoin de collecter, piocher, critiquer, catégoriser, disséminer les infos. Il y a d’autres façons d’apprendre. Il y a d’autres façons de faire l’expérience du monde.
Cependant, ces ressources m’ont beaucoup aidée. Grâce à elle, je m’approprie l’outil tarot, ses multiples usages, ses ramifications, son érudition, ses symboles,… Elles influencent énormément mon approche du tarot et, par conséquent, la rédaction de ce blog. Logique de te livrer ce qui est déterminant dans l’approche que je partage ! Il ne s’agit pas une bibliographie exhaustive sur le tarot, mais plutôt une compilation de ressources passionnantes pour quiconque s’intéresse au tarot avec une approche alternative, féministe, queer. Aucune de ces ressources n’est irréprochable ou complète. Je ne m’engage pas ici dans des critiques. Elles sont utiles. Elles sont chouettes. A toi de faire le tri !
Je lis très peu en français sur ce sujet. Mes ressources sont imparfaites et limitées. En 2020, les publications sur le tarot en langue française ne sont plus rares. A ma connaissance, celles qui sont le plus visibles manquent encore cruellement de queer, d’antiracisme, d’anticapitalisme, etc. Peut-être que je me trompe ! N’hésite pas à me recommander des ressources si c’est le cas (en commentaire ci-dessous par exemple ^^).
A terme, j’espère étayer cette liste avec des comptes insta. J’aimerais aussi communiquer tout ce qui nourrit mon approche du tarot, ce qui ne se limite pas aux ouvrages, cours et blogs « sur le tarot ».
Cours
Tata Cathou s’éparpille: la plupart de ces formations est toujours en cours pour moi. Prenons notre temps !
Tarot Summer School 2017 et 2018 en particulier : Ethony Dawn, Psychic Tarot + Avalon Cameron, Ritual Tarot for the Mystical Seeker + Kelly-Ann Maddox, How to give a truly empowering tarot reading + Jessi Huntenburg, Reading Tarot Intuitively + Christina Gaudet, Anatomy of a tarot reading
Lindsay Mack, Tarot for the Wild Soul, Heart of Service
Eh oui, les livres n’arrivent pas en tête de liste ! 😊 Je ne trouve pas que c’est la source d’infos la plus accessible…
Beth Maiden, All of our Stories. The Little Red Tarot Guidebook, 2020. Également disponible en grande partie gratuitement dans sa Library of Tarot Cards Meanings sur https://littleredtarot.com/learn-tarot/library
Rachel Pollack, Seventy-Eight Degrees of Wisdom. A Book of Tarot, Element, 1997 (revised version). Plusieurs de ses ouvrages ont été traduits en français.
Michelle Tea, Modern Tarot. Connecting with Your Higher Self Through the Wisdom of the Cards, HarperElixir, 2017.
Cassandra Snow, Queering the Tarot, RedWheel/Weiser Books, 2019.
Les livres et livrets accompagnant les tarots m’inspirent beaucoup
The Slow Holler Tarot, collectif
The Next World Tarot par Cristy C. Road
She is Sitting in the Night, Re-visioning Thea’s Tarot par Oliver Pickle qui revisite le travail de Ruth West
The Numinous Tarot par Cedar McCloud
Spacious Tarot par Carrie Mallon
This Might Hurt Tarot par Isabella Rotman
Mystical Cats Tarot par Lunaea Weatherstone et Mickie Mueller (il existe un version francophone)